Adam et Eve, la pomme et le serpent

Génial touche-à-tout

Ah Stephen Greenblatt ! il a été longtemps surtout connu pour son travail sur Shakespeare (citons Will le magnifique, Flammarion, 2016). C’est cependant avec Quattrocento, un essai sur les origines de la Renaissance via la redécouverte du De rerum natura de Lucrèce, lauréat du prix Pulitzer de l’essai 2012, qu’on a vraiment pu apprécier ses talents de conteur alliés à une érudition remarquable. Il nous invite maintenant à redécouvrir le mythe d’Adam et Eve en réfléchissant à l’histoire sans fin de nos origines.

 

Un texte sacré et des versions de plus en plus divergentes

À la base de ce « mythe », on trouve le récit de la Génèse, cinquante lignes pas plus. De là, Stephen Greenblatt nous expose les influences du texte (ainsi du récit de Gilgamesh), les interprétations proposées tant par les hébreux, les juifs puis les chrétiens. La chute découle-t-elle d’un plan de Dieu ? D’une intervention fortuite de Satan, l’ange déchu ? Et qui est coupable ? Adam ou Eve ? De ce point de vue, Greenblatt montre bien que le christianisme imputa à la première femme la plus grande partie de la faute (saint Augustin est terrifiant sur ce point à lire aujourd’hui), consubstantielle au plaisir et à la féminité.

 

« Adam et Eve », Albrecht Dürer, 1504

 

 

Un terreau créatif

Mais le mythe d’Adam et Eve ne s’arrête pas sur ce constat sinistre pour nos mœurs contemporains. Il stimula nombre d’artistes. Durer en fit des gravures magnifiques, très expressives. Cranach l’ancien et le Caravage en tirèrent des tableaux superbes, expérimentant l’étrangeté de ce premier couple d’êtres humains qui, selon la tradition, vécurent plus de mille ans. Rendons grâce cependant à John Milton qui fit du couple primordial des personnages centraux – à côté de Lucifer- du Paradis perdu. Même si la science, sous l’impulsion de Darwin, en a fini avec Adam et Eve, il n’en est pas de même de notre sensibilité tellement nous sommes imprégnés de ce mythe si humain.

Voici un livre passionnant qui propose une nouvelle approche stimulante de cette histoire aussi vieille que notre monde judéo-chrétien.

 

Sylvain Bonnet

Stephen Greenblatt, Adam et Eve, traduit de l’anglais par Marie-Anne de Béru, Flammarion, septembre 2017,  pages, 23,90 euros

 

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