Après la chute, une femme à la dérive

Un grand du polar

Aux côtés de James Ellroy et James Lee Burke, Dennis Lehane est incontestablement un des grands noms du polar américain. Il s’est d’abord fait connaître par sa série de romans (Gone, baby gone, Moonlight Mile) consacrés à ses héros Kenzie et Gennaro, tout en publiant des thrillers raffinés comme Mystic River ou Shutter Island (bien meilleur que le navet qu’en a tiré Scorsese). Avec Un pays à l’aube et Ils vivent la nuit, Lehane a raconté l’histoire de Boston et de l’Amérique des années 20, autour de la famille Coughlin, livrant de véritables chefs d’œuvre, comparables à American Tabloïd de James Ellroy. Avec Après la chute, il nous donne tout autre chose, on va le voir.

 

Une femme piégée

Belle, intelligente, Rachel Childs a été journaliste au Globe avant de rejoindre Channel 6. Là, elle commence à plaire au public, on lui prédit un destin de vedette. Mais Rachel est une personne fragilisée par son enfance. Elle a été élevée par sa mère, dans l’ignorance totale de l’identité de son père. Elle a cherché à savoir qui il était, a retrouvé le compagnon de sa mère qui l’a élevé dans sa prime enfance, Jeremiah James mais il n’est pas son géniteur. Rachel part couvrir l’île d’Haïti en plein séisme. Confrontée à l’horreur, Rachel vacille. Elle est rappelée à Boston, puis repart là-bas pour couvrir une épidémie. Et elle craque en public. Elle perd son boulot, son mari et se met à souffrir d’agoraphobie. Là, elle retrouve Brian Delacroix, un détective qu’elle avait engagée des années auparavant pour retrouver son père. Brian l’aime, il l’épouse, s’occupe d’elle. Mais elle va découvrir qu’il n’est pas l’homme qu’il prétend et que toute leur vie repose sur une illusion…

 

Deux romans pour le prix d’un

Après la chute contient deux histoires. D’abord celle de Rachel Childs, une femme en quête de son père inconnu. Cette quête occupe les cent cinquante premières pages du roman. L’occasion pour Lehane d’offrir un magnifique portrait de femme et aussi de donner un aperçu des Etats-Unis d’aujourd’hui, de ces américains qui vivent sur le bas-côté de la société, oubliés de tous. L’implosion de Rachel en plein direct remet aussi en cause une vie programmée pour la starification, ce qui constitue une critique implicite du spectacle des médias.

La suite du roman, très rocambolesque, se veut plus proche du thriller psychologique. L’ambiance générale est celle d’un film d’Hitchcock et fait aussi penser à un roman précédent de Lehane, Shutter Island. On est cependant loin de la perfection de la première partie, l’accumulation des révélations et des péripéties nuisant à l’ensemble. Dommage.

 

Sylvain Bonnet

 

Dennis Lehane, Après la chute, traduit de l’anglais par Isabelle Maillet, Rivages, octobre 2017, 400 pages, 22 euros

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