« Avant la chute », une vision noire de la nature humaine

Télévision et littérature

De Noah Hawley on sait surtout qu’il est le scénariste de la série Fargo, tirée du film éponyme des frères Coen, qui connaît un certain succès d’estime. Il est aussi écrivain et on lui doit par exemple Le Bon père (Gallimard, 2013), déjà un thriller. La « Série noire » vient de sortir Avant la chute, roman assez prenant, on va le voir.

 

Un peintre et un orphelin

La famille Bateman, en villégiature sur l’île de Vineyard, a affrété un jet pour rentrer à New York. Elle en fait profiter un couple d’amis, Ben et Sarah Kipling et un peintre désargenté, Scott Burroughs. Les toiles de Scott ont plu à Maggie Bateman et il doit aller à New York afin de montrer son œuvre à des galeristes. Tout bascule lorsque l’avion se crashe quelques minutes plus tard. Scott survit et secourt JJ, le fils des Bateman. Il réussit à nager, malgré une épaule démise jusqu’au rivage le plus proche et à sauver le gamin. Il doit maintenant faire face aux enquêteurs et aux médias : David Bateman dirigeait une chaîne d’informations en continu, très à droite, et il a pu être victime d’un attentat. Quant à Ben Kipling, il allait être inculpé pour avoir blanchi de l’argent provenant de pays ennemis des Etats-Unis. Et Scott, se demande certains, ne serait-il pas pour quelque chose ? Une de ses toiles ne représente-t-elle pas un crash aérien ?

 

Une structure hyperefficace

Avec une technique imparable, Noah Hawley développe son intrigue en prenant son temps. On découvre peu à peu qui sont les Bateman, les Kipling ainsi que l’équipage. On est très intéressé par le traitement qu’il réserve à Scott Burroughs : voilà un type ordinaire, plutôt un raté d’ailleurs, qui a eu un comportement héroïque en sauvant un enfant qu’il ne connaissait pas. Or, cela apparaît suspect à beaucoup, surtout aux journalistes (y compris Bill Cunnigham, l’âme damnée de Bateman). On lui invente une liaison avec la mère du rescapé, d’avoir fait exploser l’avion (n’a-t-il pas peint un tableau représentant un crash aérien ?). Le sommet est atteint quand on le soupçonne de vouloir séduire la tante du petit afin de récupérer l’argent des Bateman. Cela en dit beaucoup sur certaines tendances de l’Amérique aujourd’hui, sur nos sociétés néolibérales. L’argent est au centre de notre monde, nous sommes donc censés tout faire pour en gagner le plus possible.

Il y a donc tout ça en arrière-plan d’Avant la chute, roman efficace et ensorcelant, doté d’une chute qui fera son petit effet (quoiqu’un peu facile). A savourer, comme un bon vin.

 

 

Sylvain Bonnet

Noah Hawley, Avant la chute, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Antoine Chainas, Gallimard « série noire », avril 2018, 532 pages, 22 euros

 

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