Basculements de Jérôme Baschet, quel monde pour demain?

De l’histoire médiévale à la réflexion politique

On connaît Jérôme Baschet historien. Il a ainsi publié de nombreux ouvrages sur la période médiévale dont La civilisation féodale (Flammarion, 2006) ou Corps et âmes, une histoire de la personne au Moyen-âge (Flammarion, 2016). On connait aussi Jérôme Baschet le militant, à gauche de la gauche, passionné par l’expérience zapatiste au Chiapas à laquelle il a consacré un livre, La rébellion zapatiste (Flammarion, 2019). Il a également soutenu à ses débuts le mouvement Nuit debout. Basculements est un essai, inspiré par la pandémie en cours et sur les conséquences de celle-ci sur notre monde.

Un essai stimulant

Jérôme Baschet commence par décrire ce que nous avons vécu depuis le début 2020. Avec brio, il retrace le processus de décision qui a mené au confinement tout en peignant les contradictions de nos dirigeants : rien ne sera plus comme avant alors que tous rêvent d’un scénario en « V » et d’une reprise rapide d’un développement de type néo-libéral qui détruit la planète… et est justement la cause de la pandémie. La COVID est ainsi passé de la chauve-souris à l’homme à cause de la pression exercée par ce dernier sur les écosystèmes. C’est une histoire connue, déjà vu avec le SIDA et le virus ZIKA. On aimerait cependant savoir ce qui s’est exactement passé dans le laboratoire P4 de Wuhan… Ajoutons que ce virus a pu se diffuser aussi rapidement grâce au transport aérien qui, rappelons-le, est dans son développement dangereux pour la planète. Baschet fait ensuite l’éloge des circuits courts, du localisme. Il n’est pas le premier, on peut estimer qu’il a raison. Et il a également raison lorsqu’il souligne que la pandémie est une occasion pour les dirigeants d’accroître leur contrôle sur les populations.

Entre Proudhon et Zapata

Jérôme Baschet, en bon idéologue d’extrême-gauche, se méfie de l’État. Et il démontre avec raison combien la puissance étatique est une arme qui décuple les politiques néo-libérales qui, au fond, s’accommodent bien de lui (alors que tous les auteurs néolibéraux, Hayek en tête, n’ont cessé de le critiquer, lisez La route de la servitude). Ayant étudié le Chiapas et l’expérience zapatiste, Baschet fait l’éloge de la commune comme nécessaire horizon de recadrage pour l’humanité. Retour aux petites villes, messieurs-dames, loin d’un État toujours oppresseur et les choses iront mieux. Il n’était pas besoin d’aller au Chiapas au fond pour redécouvrir ce que Proudhon, penseur anarchiste du XIXe siècle, développait déjà. Au passage, Baschet consacre un long développement à critiquer l’universalisme des lumières, trop abstrait et pas assez ouvert aux cultures indigènes et appelle à le remplacer par un universalisme de la multiplicité. Pourquoi pas.

Quid de l’État ?

Au fond, la démonstration de ce livre pose un problème. Sans l’État, qui peut aussi être protecteur (la sécurité sociale et son système de redistribution, le RSA, tout ce que déteste les néolibéraux, Macron en tête), comment organiser un système et une reconversion de l’économie qui doit sortir du pétrole et du carbone ? Jérôme Baschet se veut « basiste » et il faut effectivement aller à la base, convaincre les gens. In fine, pourtant, une société ne peut-être changé sans prendre le contrôle de l’État. Au fond, c’est Napoléon et Lénine qui ont raison : les hommes comme Jérôme Baschet ne veulent jamais le voir.

Basculements est à lire en tout cas car l’essai est stimulant. Et réfléchissez en dehors des sentiers battus !  

Sylvain Bonnet

Jérôme Baschet, Basculements, La découverte, février 2021, 256 pages, 15 eur

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