Les biffins, ces gens qu’on ne voit pas

Le poète du roman noir

Passionné de jazz, Marc Villard a commencé par écrire de la poésie. La découverte d’Horace Mc Coy et de John D. MacDonald l’amène cependant au roman noir et il publié à la Série noire dès le début des années 80. Tout en devenant chroniqueur au Monde de la musique, il publie Corvette de nuit (Série noire, 1981) ou La dame est une traînée (Série noire, 1989) qui le font connaître des amateurs. C’est cependant dans le domaine de la nouvelle que Villard s’impose, seul avec Rouge est ma couleur (Série noire, 1987), Gangsta Rap (Série noire, 2000) ou La fille aux abattoirs (Rivages, 2016). On se doit de noter aussi son partenariat avec Jean-Bernard Pouy, l’auteur du très réussi Ma Zad, dans Ping Pong (Rivages, 2005), Tohu-bohu (Rivages, 2005) ou Zigzag (Rivages, 2010). Avec Les Biffins, il donne une suite à Bird paru en 2009, un court roman autour d’un père devenu SDF et de sa fille.

 

« A kind of blue»

Après s’être remise de son AVC, hantée par la figure de son père décédé, Cécile est repartie à son boulot de travailleuse sociale. Chaque nuit, elle s’occupe des SDF, des alcooliques, des sans papiers et des toxicos en détresse. Souvent, elle doit le faire contre leur volonté. Mais voilà, Cécile en a marre. Pas forcément des gens mais de ne pas avoir de vie, ni de petit ami. Elle décide donc de partir travailler avec les « biffins », les vendeurs en tout genre et de toutes origines qui sont basés près des puces de Saint-Ouen. Juste avant son départ, Cécile sauve Samouraï, un SDF qu’elle connaît bien, d’un immeuble en feu. Peu après, Samouraï la prévient que quelqu’un le suit, certainement le responsable de l’incendie. Elle retrouve Samouraï mort le jour de son départ pour les biffins. Cécile n’en a pas fini avec la nuit.

 

 

Lyrisme désaccordé

Ce roman reprend donc le personnage de Cécile, la travailleuse sociale dont le père, surnommé « Bird » était saxophoniste. Marc Villard nous octroie un récit empreint de lyrisme, très humain qui offre la description d’un monde de marginaux, d’ « invisibles », que personne ne remarque, pour le coup très saisissante. Pour autant, tout se joue autour de Cécile. En mouvement permanent, sur le qui-vive, la jeune femme est constamment sur la brèche, sans pour autant se brûler les ailes. Elle vit, en désaccord (au sens musical) avec son époque. Villard étonne, émeut, enthousiasme avec ce court roman. Une preuve de plus de son immense talent de conteur et de jazzman des mots.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Marc Villard, Les Biffins, éditions Joëlle Losfeld, février 2018, 120 pages, 12,50 €

 

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