« Ça raconte Sarah » de Pauline Delabroy-Allard, une histoire d’amour

Quand les extrêmes s’enlacent

Premier roman publié de cette jeune romancière de 30 ans, Ça raconte Sarah nous livre l’histoire d’une passion conjuguée au féminin mettant en scène une jeune professeure qui nous relate sa passion sulfureuse et dévorante avec cette fameuse Sarah dont les jours sont comptés. Tout semble les opposer, la narratrice qui vit seule avec sa fille est aux antipodes de cette violoniste débridée, fantaisiste, capricieuse et instable psychiquement. Pour l’une comme pour l’autre, qui n’ont jamais connu que des hommes, ce sera leur première relation saphique… Relation qui emportera la narratrice dans une spirale dévorante ponctuée par les voyages de Sarah, inhérents à sa carrière de concertiste, faite de retrouvailles où la virtuose se joue de la sujétion qu’elle développe envers elle. Une dépendance où le basculement vers l’addiction est omniprésent au point que les autres personnages qui traversent cette histoire s’en trouvant comme désincarnés au point de n’être qu’évoqués, à l’instar de la fille de la narratrice tout simplement surnommée « l’enfant ».

 

Dans son appartement des Lilas, on danse jusqu’au bout de la nuit. Le lendemain, elle provoque une dispute au petit-déjeuner. Elle hurle, elle vocifère tout contre mon visage. Elle me fait peur, cherchant à me retenir lorsque je saute dans un taxi pour en finir. »

 

Une passion chaotique

Amour exclusif, phagocytant, passion dérivant petit à petit vers une relation tant ambiguë que toxique faite de disputes et de réconciliations charnelles où la cruauté n’a d’égal que l’intensité des sentiments, ce qui nous est donné à lire par la narratrice se veut aussi une forme d’exutoire. Celle-ci abandonnant tout, jusqu’à sa fille et son compagnon à peine évoqués, pour suivre cette Sarah « désirable à en crever ». Cette union où la musique est omniprésente changeant à jamais la narratrice et son rapport au monde, sublimant cette rencontre à l’aide de l’écrit dont chaque mot est une parcelle de cette relation l’idolâtrie.

 

Le visage de ma fille s’efface peu à peu de mon esprit. Je ne vois plus que les seins de Sarah, ses seins si beaux et si malades qui vont la tuer, qui ont fait que je l’ai tuée, et au-dessus des seins, les yeux de Sarah, ses yeux de serpent, et puis son profil de morte couronné par les magnolias. »

 

Le dénouement final

Scindé en deux parties et deux approches stylistiques différentes, Pauline Delabroy-Allard compose dans un premier temps via la narratrice un portrait de Sarah dont les mots s’emploient à tenter de dessiner cette femme « hors-cadre ». La seconde partie du roman, où la camarde rôde et attend son heure, nous faisant quant à elle quitter Paris et sa banlieue pour l’Italie où la narratrice se lance cette fois-ci dans une démarche introspective, analysant les chromatismes de cette passion. La fin n’aura pas des accents d’happy end mais plutôt des relents mortifères… Le réel, même lorsqu’il s’agit d’une fiction, sonnant toujours le glas des exaltations premières.

 

Romain Grieco

Pauline Delabroy-Allard, Ça raconte Sarah, Les Editions de Minuit, septembre 2018, 189 pages, 15 euros

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