Choiseul, l’homme de Louis XV

Du jansénisme à Choiseul

 Auteur avec son époux Bernard Cottret d’une biographie de Jean-Jacques Rousseau (Perrin, 2005) et d’une histoire du jansénisme (Perrin, 2016) qui a remporté le prix de l’académie des sciences morales et politiques. C’est dans ses études sur le jansénisme qu’elle a rencontré la figure de Choiseul, déjà étudié par Guy Chaussinand-Nogaret notamment. Un Choiseul qui ménage jansénistes et parlementaires, ceux-là même qu’il critique dans sa correspondance avec sa « vieille marmotte », le fameux Voltaire. Était-il un champion du double discours ? Et pourquoi revenir sur la figure de Choiseul, ministre pendant douze ans d’un roi qu’il méprisait ?

 

Noble et fier de l’être

Issu d’une prestigieuse famille lorraine, fils d’un marquis au service des Habsbourg, Choiseul choisit la France et embrasse la carrière militaire. De son enfance, on sait peu de choses, l’homme ne se dévoile d’ailleurs que rarement. Probablement incroyant, il mène une vie de séducteur libertin, a une liaison passionnée avec la duchesse de Gontaut, épouse de son meilleur ami. Celle-ci meurt en mettant au monde le futur duc de Lauzun qui sera général de la Révolution. On ne saura jamais d’ailleurs si Choiseul est son père… Il épouse en tout cas la sœur de son amante, une Crozat qui lui apporte la fortune.

 

Dans les cercles du pouvoir

Charmeur, intelligent, plein d’esprit, persifleur, Choiseul réussit à se faire bien voir de la marquise de Pompadour. Ambassadeur à Rome, il devient l’ami du futur cardinal de Bernis, alors ministre de Louis XV et un des responsables de l’alliance autrichienne que Choiseul trouve trop contraignante. Il réussit avec maestria à écarter cet indolent du pouvoir et à devenir principal ministre, sans le titre. Monique Cottret démontre très bien combien cet ambitieux réussit à se maintenir au pouvoir malgré une défaite majeure lors de la guerre de sept ans (et la perte du Canada). Obsédé par la revanche contre l’Angleterre, il stimule le patriotisme français et réussit à financer la reconstruction de la marine grâce à des dons de particuliers, nobles ou municipalités. Il réforme l’armée et négocie avec les parlements. S’il échoue à fonder une colonie en Guyane, il réussit à s’emparer de la Corse au nez et à la barbe des anglais.

Pour un temps, Choiseul a réussi à se rendre indispensable à Louis XV… Sa politique étrangère comporte des risques aux yeux du roi qui n’est pas prêt à une guerre offensive. Lors de la crise des malouines en 1770, Choiseul s’engage trop du coté de l’allié espagnol et cela joue dans sa disgrâce, autant que son aversion pour la duchesse du Barry, nouvelle favorite royale.

 

L’impossible retour

Exilé à Chanteloup, Choiseul attend. Reçoit, persifle. Il compte sur la mort de Louis XV et son influence auprès de la future reine Marie-Antoinette pour revenir aux affaires. Mais c’est le vieux Maurepas et Vergennes que lui préfère Louis XVI. Se forme alors un « parti » de Choiseul, ouvertement antianglais et patriote, qui participe de l’effervescence de ces années qu’on ne sait pas encore prérévolutionnaire. Dans sa conclusion, Monique Cottret note que si Choiseul ne porte pas de responsabilités dans le déclenchement de la Révolution, son mépris affiché de Louis XV est un signe de la désacralisation de la personne royale (dont personne en 1757 ne s’inquiète de la santé après la tentative d’assassinat de Damiens). Voilà en tout cas le portrait fascinant d’un diplomate doué (le jeune Talleyrand vint le voir à Chanteloup) et fin communicant comme on dit aujourd’hui.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Monique Cottret, Choiseul, Tallandier,  mars 2018, 512 pages, 24,90 euros

Laisser un commentaire