Considérations sur la France : Maistre et la pensée réactionnaire

Philosophe, homme politique, écrivain, franc-maçon, Joseph de Maistre (1753-1821) est le père fondateur de la contre-révolution, et par là de la pensée réactionnaire. Dans ses Considérations pour la France (1797) il se fait le successeur de David Hume et, légitimiste chrétien, entre en combat contre l’idée même de la Révolution. 

 

Un philosophie théocratique

 

La pensée politique de Joseph de Maistre est bien ordonnée : il y a un ordre immanent, régit par Dieu, qui organise le sens de la vie. Dans cette grande machinerie, qu’importe si l’homme, libre qu’il est de le faire, change une pièce ici ou là, l’ordre restera inchangé. Ainsi l’Histoire avance. Ainsi considéré, la Révolution est un être déraisonnable qui vient intercaler son contre-rythme dans l’ordre naturel (entendons divin) des choses. Donc, la contre-révolution remettra de l’Ordre dans les choses et tout retrouvera sa place : un roi, un peuple, un Dieu.

Mais en chemin la Révolution va être un long fleuve sanglant et irrépressible, mu non par des hommes mais les menant elle-même à sa propre fin, et Joseph de Maistre estime que cette fin est le Châtiment divin infligé aux mécréants ou aux profiteurs, qu’ils soient du peuple ou de brillants savants.

Ainsi, tous les français sans doute n’ont pas voulu la mort de Louis XVI ; mais l’immense majorité du peuple a voulu, pendant plus de deux ans, toutes les folies, toutes les injustices, tous les attentats qui amenèrent la catastrophe du 21 janvier. […] Chaque goute de sans de Louis XVI en coûtera des torrents à la France ; quatre millions de Français, peut-être, paieront de leur têtes le grand crime national d’une insurrection anti-religieuse et anti-sociale, couronnée par un régicide. »

Le penseur du providentialisme

« Le Christ commande, Il règne, Il est vainqueur »

Pour Joseph de Maistre, la Révolution française est une hérésie. Non pas seulement parce qu’elle tente de contrarier l’ordre établi des choses, ordre immanent et christique, mais parce que c’est une force lancée dans l’inconnu, incontrôlable et qui dévore ses propres enfants.

Combattre la Révolution c’est affirmer l’absolue d’une histoire humaine régit par Dieu et faire prévaloir l’ordre providentiel sur la violence et le désordre diabolique.

Qui plus est, l’hérésie révolutionnaire brise le pacte naturel entre la France et les pays d’Europe, qu’elle guidait mais qu’elle vient de trahir.

 

 

Si tout est régit par Dieu, alors les constitutions aussi sont immanentes. Et donc celles prétendument créées par l’homme ne sont que des tentatives de poursuivre l’œuvre destructrice qui, déjà, s’est emparé des biens de l’Eglise et tente maintenant d’en atteindre l’influence. Autrement dit, la Révolution est l’œuvre du Mal.

 

Pour faire la révolution française, il a fallu renverser la religion, outrager la morale, violer toutes les propriétés, et commettre tous les crimes : pour cette œuvre diabolique, il a fallu employer un tel nombre d’hommes vicieux, que jamais peut-être autant de vices n’ont agi ensemble pour opérer un mal quelconque. Au contraire, pour rétablir l’ordre, le Roi convoquera toutes les vertus ; il le voudra sans doute ; mis, par la nature même des choses, il y sera forcé. Son intérêt le plus pressant sera d’allier la justice à la miséricorde ; les hommes estimables viendront d’eux-mêmes se placer aux postes où ils peuvent être utiles ; et la religion, prêtant son sceptre à la politique, lui donnera les forces qu’elle ne peut tenir que de cette sœur auguste. »

 

La préface de Pierre Mament est brillante et rappelle avec force combien ce texte court est un acte de combat, au coeur de la mêlée car publié en 1797 et annonciateur de la fin de cette hérésie et le retour à la Monarchie, malgré toute la puissance propagandiste mise en oeuvre pour faire peur (vengeance, massacre, etc.). Et combien ce texte de Joseph de Maistre est important dans l’histoire de la pensée occidentale et de la philosophie politique.

Pierre angulaire de la pensée réactionnaire, inspirateur de Cioran aussi bien que des théoriciens de la Nouvelle Droite et des plus grands écrivains français (Barbey d’Aurevilly, Charles Baudelaire, Charles Maurras, Léon Bloy, etc.), les Considérations sur la France, ce livre essentiel, a sa place bien en vue dans la bibliothèque de tout esprit éclairé.

 

Loïc Di Stefano

 

Joseph de Maistre, Considérations sur la France, Préface de Pierre Mament, Bartillat, « omnia poche », 184 pages, 12 euros

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