Conversations avec Georges Lautner

Soyons précis : cet ouvrage est la réédition de Foutu fourbi paru en 2000 chez La Sirène, que tous les amateurs de Georges Lautner se doivent de posséder dans leur bibliothèque. La particularité de ce nouvel opus est d’être « complété ». Par une vingtaine de pages concernant un court-métrage où il est plus question de l’auteur José-Louis Bocquet (qui le scénarisa) que de Lautner (qui le réalisa). Plus une sorte de petit dictionnaire des personnalités présentes dans l’ouvrage. Dont l’utilité me parait un peu douteuse. Faut-il vraiment vous rappeler qui étaient Lino Ventura et Michel Serrault ?…

Reste le corps du livre constitué effectivement d’une série de conversations avec Georges Lautner à la carrière en dents de scie, capable du pire comme du meilleur. Outre l’inusable Les Tontons Flingueurs, on lui doit, entre autres, Flic ou voyou, Mort d’un pourri, Le Pacha, Il était une fois un flic, etc. J’ai toujours dit, et je le répète ici, que Les Tontons flingueurs ne serait jamais devenu un film-culte sans l’habileté de Georges Lautner. Il a su non seulement mettre les acteurs en valeur mais aussi créer une ambiance. Sur le strict plan de la réalisation, je trouve Ne nous fâchons pas particulièrement réussi. Bref, Lautner n’était pas un tâcheron mais un authentique cinéaste, pour ne pas dire un auteur, terme galvaudé.

Il était aussi un homme qui n’aimait guère s’épancher. Il faut reconnaitre ce mérite à José-Louis Bocquet de lui avoir tiré ses confidences où il se révèle mieux encore que dans ses pseudo autobiographies. Georges n’avait pas la langue de bois et le prouve avec cet humour qui lui collait à la peau. Honnête jusqu’au bout de son défaut de prononciation il est le premier à reconnaitre les faiblesses des Barbouzes et du Guignolo, montés trop rapidement pour exploiter des filons qui n’en étaient pas. Lautner n’était pas un m’as-tu-vu et savait ce qu’il faisait.

Bien sûr, on aimerait qu’il aille encore plus loin. Parce qu’en plus d’un demi-siècle de carrière, il en a vu des choses, croisé des caractériels, supporté des inqualifiables. Mais ce qu’il dit à travers ce livre est suffisamment précieux pour que l’on ne boude pas son plaisir.

 

 

Un bel hommage à un monsieur qui, comme beaucoup de cinéastes de son époque (Verneuil, De Broca, Deray…), risque de tomber dans l’oubli parce que rejeté par une certaine intelligentsia qui n’a jamais rien eu d’intelligent. Ce genre d’ouvrage est particulièrement précieux du fait qu’il constitue une pierre de taille dans le monument du souvenir. De plus, il nous permet de voyager dans moult films que l’on a vus et revus. Oublions Le Cow-boy pour nous souvenir des Pissenlits par la racine, revoyons Le Professionnel et fermons les yeux sur La Cage aux folles 3.

 

Le cinéma français doit beaucoup à Lautner. En retour, Georges méritait bien un bon livre.

 

 

Philippe Durant

 

José-Louis Bocquet, Conversations avec Georges Lautner, La Table ronde, octobre 2017, 335 pages, 23,40 euros

 

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