Dépasser la mort, l’agir de la littérature

« Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ! »

Alphonse de Lamartine, « L’isolement », Méditations poétiques

Si la mort est l’événement naturel ancré dans l’humanité au point qu’elle ait été sanctifiée et divinisée, l’homme, dans son expérience individuelle, ne peut pas se préparer à sa survenance, quand bien même elle est attendue, programmée. Ce choc initial qu’a été la mort prématurée de son meilleur ami est le point de départ de l’étude de Myriam Watthee-Delmotte, membre de l’Académie Royale de Belgique et professeur à l’université catholique de Louvain où elle est spécialiste de la littérature française du XXe siècle. Dans Dépasser la mort, l’agir de la littérature, elle analyse des œuvres littéraires pour comprendre comment les mots d’autrui peuvent venir palier à l’absence des nôtres, comment la littérature peut être ce rite particulier qui peut seul faire comprendre la mort et ses événements périphériques, ses rites aussi bien que sa portée symbolique.

Prenant ses exemples dans toutes les formes de littérature, y compris la chanson, Myriam Watthee-Delmotte cherche aussi bien à comprendre comment un écrit peut apaiser aussi bien que faire admettre l’impossible. Lisant aussi bien Henry Bauchau (dont elle est une spécialiste reconnue) qu’Alphonse de Lamartine, Louis Aragon, Yannick Haenel ou Caroline Lamarche, Victor Hugo ou Stéphane Mallarmé, Henri Michaux ou Laurent Gaudé, elle puise en chacun d’eux la force d’un parcours qui de la mort subie et incomprise fera — espère-t-elle, comme une catharsis — une mort admise. Son parcours de lectures suit l’ordre « naturel » de la confrontation avec la mort : d’abord le choc et la manière d’y faire face aussi bien devant la tombe, puis les étapes du deuil (la commémoration et l’admission de l’absence), et enfin la vie avec la mort de l’autre aussi bien que la mort future de soi-même.

Le rôle de la littérature, sa puissance propre, est de donner à cette expérience de débordement, fulgurante dans les faits, un lieu stable dans le langage, et indéfiniment convocable, c’est-à-dire ouvert à une réactivation à chaque lecture. »

Dépasser la mort, l’agir de la littérature est une suite de lectures et de recherches de consolation. Il en apportera beaucoup au lecteur tout comme de nombreuses voies de nouvelles lectures. Un livre salutaire.

Loïc Di Stefano

Myriam Watthee-Delmotte, Dépasser la mort, l’agir de la littérature, Actes sud, janvier 2019, 251 pages, 21 euros

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