Les portes de l’au-delà : entre Dieu et le Néant
Expérience de mort imminente
Katlyn Fork, une riche femme d’affaires américaine, veut faire revenir à la vie Matt, son fils unique, atteint d’une grave maladie et plongé dans un coma artificiel. Grâce aux dernières avancées des expériences de mort imminente et à la découverte de la puissance quantique contenue dans un artefact égyptien antique, la milliardaire tente d’y parvenir en réunissant les meilleurs scientifiques autour d’elle.
Le projet est de suivre l’âme de son fils au seuil de la mort en embarquant à bord d’un vaisseau capable de se déplacer dans un champ tachyonique et construit par Isaac Lévy, un chef ingénieur désabusé par la perte de sa famille après un attentat palestinien.
Mais les voyageurs rencontrent des difficultés inattendues et l’expérience n’aboutit pas comme l’espérait Madame Fork. Si son fils revient à la vie, c’est aussi le cas de tous les défunts sur Terre qui ressuscitent par grappes décroissantes, ce qui n’est pas sans poser un sérieux problème à la fois de gouvernance et de tolérance dans les sociétés hôtes. Et les morts ne peuvent pas décéder une seconde fois…
Les fondements philosophico-religieux vacillent alors et les hédonistes comme les fanatiques de l’Antéchrist s’en sortent le mieux dans le chaos généré par la disparition de la Mort.
Des maîtres du genre
On ne présente plus les auteurs Valérie Mangin, scénariste des Chroniques de l’Antiquité galactique et son époux Denis Bajram, le créateur d’Universal War, qui ont marqué depuis une quinzaine d’années l’univers de la bande-dessinée francophone par leurs fresques futuristes et fantastiques. À la manette pour le scénario, le couple s’est adjoint les services de Jean-Michel Ponzio pour le dessin et la couleur. On doit notamment à ce dernier la trilogie du Complexe du Chimpanzé chez Dargaud dont on repère rapidement les traits hyperréalistes dès les premières planches d’Experience mort. Pour ses dessins, Jean-Michel Ponzio utilise les effets spéciaux, en numérique, appris quand il travaillait au cinéma et dans la publicité.
Le canevas graphique s’appuie sur des photographies qui donnent toute sa signature à ses créations artistiques. Le résultat obtenu par la technique de rotoscopie pourra étonner certains lecteurs en figeant les personnages dans des poses froides et lisses. Par ailleurs, l’humour, distillé savamment dans les quatre tomes déjà parus, permettra de combler certains manques dans le scénario.
Sans doute voulu par le dessinateur, minimaliste dans ses précédentes œuvres, on pourra regretter des explications scientifiques trop légères — on pense au tachyon — et des personnages insuffisamment racontés comme le père Theillard, intime du pape et prix Nobel de physique.
Une nouvelle fois, Ankama continue de se faire une place à part dans le milieu de la bande dessinée. On se souvient du coup de maître d’Anthony Roux alias Thot, son directeur et concepteur de Dofus, qui avait su « ressusciter » l’univers de l’écrivain Stephan Wul croqué par de grands dessinateurs. Un éditeur à suivre donc…
Mourad Haddak
Denis Bajram et Valérie Mangin (scénario), Jean-Michel Ponzio (dessin et couleur), Experience Mort, tome 4 : La porte du ciel, Ankama éditions, août 2016, 13,90 euros
