« Fétiche » de Mikkel Orsted Sauzet

Indépendant par nature

Mikkel auteur franco-danois est un artiste qui a fait ses armes à l’école des beaux arts de Bruxelles. Il a déjà expérimenté son art auprès de l’éditeur atypique, talentueux et indépendant VITE. Il a participé et contribué à plusieurs BD et à une exposition au Centre de la Bande Dessinée de Bruxelles, son lieu de résidence actuel. Ses œuvres s’affirment de plus en plus à chaque fois sur une tonalité colorée et son arme favorite est le stylo bic du Baron bien nommé. Et le voici qui nous livre Fétiche, une étonnante fantaisie.

Rouge  mais vraiment noire

Fétiche est son premier ouvrage en solo, il a passé quelques années à imaginer et crayonner avec un grand talent cette fresque noire.

L’histoire prend place en Haïti à l’époque du colonialisme effrénée et violent, en tout cas la fresque est dévoilée comme telle.

Une femme est dans les champs, elle travaille à l’écart telle une forcenée malgré son ventre proéminent. Elle coupe la canne à sucre à grands coups de machette. 

Ce qui devait arriver, arriva. Les douleurs de la naissance proche l’entraine au sol, elle se débat pour s’écarter de ses tortionnaires afin d’accoucher seule dans la souffrance. Elle ne veut pas offrir à son enfant cette vie de torture et se rapproche d’une falaise pour finir ses jours et entrainer dans sa tourmente le bébé juste né. 

Un homme l’épie et a juste le temps de sauver l’enfant sans faire d’efforts pour aider sa pauvre mère.

Ainsi va la vie des esclaves de cette colonie, ils ont finalement bien peu de valeur.

C’est une histoire noire, vraiment noire mais dessinée en rouge, un rouge sombre et glaçant.

L’histoire prend fin mais reprend quelques 250 ans plus tard, en tout cas de nos jours avec pour seul lien apparent la folie des hommes.

 

 

Le rouge laisse place au gris ou noir pour mieux signifier que le drame peut se jouer en rouge ou en noir.

Crayon bille comme arme fétiche !

Qui aurait pensé que l’on pouvait faire une œuvre aussi impressionnante avec un crayon bille et ce, avec une seule couleur, nuancée ou soulignée de contours noirs.

Une histoire sans textes n’est pas si anodine, le dessin doit tout raconter et exprimer.

Nous pouvons éprouver tous les sentiments et émotions en parcourant cette BD, la joie (assez rare), la peur, la souffrance de voir son prochain souffrir, la vengeance, mais en tout cas l’exaltation de voir ce travail prodigieux de l’auteur.

Il n’y a pas de textes mais l’on reste sur les pages aussi longtemps que possible pour voir les détails d’exécution fournis par l’illustrateur. Les jeux d’ombres, de contrastes et les faux semblants.

 

Xavier de la Verrie

Mikkel Orsted Sauzet (scénario, dessin et couleur) Fétiche, Presque Lune, janvier 2018, 100 pages, 25 euros

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