Histoire du silence, une magie perdue

Un historien très original

Né en 1936, l’historien Alain Corbin a donné une œuvre atypique. Au lieu de publier des biographies ou de grandes histoires « périodiques, il a développé des approches originales, basées sur l’anthropologie, les mentalités et la psychologie sociale, qui ont fait de lui un pionnier de l’histoire des sensibilités. Il a par exemple travaillé sur la prostitution (Les Filles de noce, 1978), le paysage sonore des campagnes françaises au XIXe siècle (Les Cloches de la Terre, Flammarion, 1994) et surtout Le Miasme et la jonquille (Flammarion, 1982), véritable histoire de l’odorat et de sa perception par les élites et le peuple. Son Histoire du silence, publiée initialement en 2016 chez Albin Michel, vient compléter son travail.

 

« Le silence est d’or »

A partir de la littérature, Alain Corbin propose une analyse à travers les âges du silence, de son sens, de son importance aussi. Original à notre époque saturée de bruits ! Il se base sur des textes de Paul Valery, Flaubert, Huysmans ou encore Chateaubriand. On s’aperçoit que le silence a été longtemps valorisé par la bible et on sait l’importance du fond judéo-chrétien dans nos sociétés occidentales. Les paysans, par exemple, parlaient peu, vrais taiseux : c’est d’eux dont vient l’adage « qui ne dit mot consent » par exemple. Les campagnes étaient effectviement silencieuses à l’inverse des villes pleines des bruits des commerçants, des camelots.

 

Le silence en amour

Et Corbin aborde le sujet du silence en amour. Drôle d’idée quand on pense au pouvoir des mots dans la séduction. Il a recours alors à des auteurs contemporains comme Pascal Quignard ou plus anciens comme Barbey d’Aurevilly. De ce dernier, il cite un passage saisissant du Rideau cramoisi, décrivant le silence complice de deux amants après l’amour. Pour Corbin, le silence était essentiel dans le passé pour le recueillement, la rêverie, l’écriture et l’amour. Et le retour sur soi.

Notre époque est-elle devenue trop angoissée pour s’abandonner au silence ? En tout cas, voici à lire et à méditer aussi.

 

Sylvain Bonnet

Alain Corbin, Histoire du silence, Flammarion collection « champs », janvier 2018, 216 pages, 8 euros

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