« Soyez imprudents les enfants » de Véronique Ovaldé

Comment la rencontre d’une œuvre d’art peut-elle décider du destin d’une petite fille ? Atanasia Bartolome, 13 ans, reçoit comme un choc essentiel la peinture de Roberto Diaz Uribe, exposée au musée de Bilbao. La sortie scolaire va décider de sa vie. Pendant 5 ans, la petite n’aura de cesse de se renseigner sur cet artiste mystérieux, disparu comme par enchantement. Puis elle a 18 ans, et décide de laisser derrière elle Bilbao et sa vie pour partir en quête, celle de son héros, en retrouver la trace du peintre. Ainsi commence le long voyage initiatique de la petite fille qui était tombée en pâmoison devant le tableau d’une femme nue sur du carrelage bleu.

 

Quelle injonction peu ordinaire !

L’histoire d’Atanasia permet à Véronique Ovaldé d’enchâsser une multitude d’autres récits, pour alterner les humeurs et les couleurs, et de montrer l’étendu de son talent dans un roman picaresque à la diable ! Tous les enfants Bartolome, au moment de s’émanciper, reçoivent cette injonction merveilleuse d’être imprudents, c’est-à-dire de vivre, que Véronique Ovaldé emprunte au Hussard sur le toit de Jean Giono.

Vivre, Atanasia va y être poussée aussi par les morts rapprochées de sa grand-mère et de son père, la laissant tout à fait seule avec son destin, celui qu’elle se forge elle-même. Mais cette quête personnelle, qui fonctionne comme un roman d’apprentissage, est aussi le moyen pour Véronique Ovaldé d’entrer dans les secrets de cette famille attachante et bariolée, magnifiquement latine, car aussi loin qu’Atanasia court, c’est toujours vers sa famille et ses origines qu’elle va, Roberto Diaz Uribe ayant été élevé par sa propre grand-mère…

 

Les passions Ovaldé

Soyez imprudents les enfants condense toutes les qualités qu’on aime dans les romans de Véronique Ovaldé. Les qualités d’écriture, bien sûr, avec cette tendresse et cette fougue, ces longs emportements rythmiques et ces retenues qui dessinent une histoire en non-dits et en . Mais aussi cette passion ibérique qui s’installe régulièrement dans ses romans. Et les deux thèmes récurrents de ses récits, la recherche de ses origines par l’éloignement et la transmission entre générations.

 

Et si la « malédiction » Roberto Diaz Uribe était le mal nécessaire à la révélation de soi ? Et si celui qui faisait disparaître ceux qui s’approchent de lui permettait à Anatasia d’assumer l’histoire des femmes de sa famille et d’en comprendre enfin la vérité ?

Soyez imprudents les enfants est un roman plein de tiroirs et de surprises, d’émotion et de féminité.

 

 

 

Loïc Di Stefano

 

Véronique Ovaldé, Soyez imprudents les enfants, Points, janvier 2018, 384 pages, 8,10 eur

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