Jean-Michel Delacomptée, Le Sacrifice des dames

Auteur d’une magnifique Lettre de consolation à un ami écrivain, Jean-Michel Delacomptée revient à ses amours initiales et, quittant le monde contemporain, s’empare avec Le Sacrifice des dames de l’histoire hongroise pour y dresser une fière figure féminine, celle de Judit qui ne désire qu’une chose : prendre le pouvoir à son alcoolique de père le comte Gabor et enfin sauver son royaume en s’opposant aux envahisseurs turcs. Ou bien n’est-ce qu’une manière d’assouvir sa soif de pouvoir ?

La belle Judit est comme feu son grand-père, d’une intelligence supérieure et une personnalité forte et déterminée. Assez pour s’opposer à sa mère qui la veut marier vite pour s’en débarrasser et régner seule, et à son père qui se complaît dans une douce apathie malgré une agitation presque frénétique. Sa force au jeu d’échec, héritage paternel, lui donne l’idée de s’en servir pour s’imposer auprès des seigneurs voisins et établir une assez belle réputation pour proposer une partie insensée, une partie qui pourrait sauver son pays : et si tous les petits seigneurs s’unissaient pour résister à la menace ottomane ? et si elle déplaçait le champ de bataille ?

Construit comme une immense partie d’échec et autour de la lecture de Machiavel et de plusieurs autres grands textes, Le Sacrifice des dames est un roman historique dans un XVIe siècle flamboyant. Dans une langue  précieuse et toujours juste, riche de détails nécessaires, Jean-Michel Delacomptée expose aussi au lecteur son amour de cette période où, à la croisée de l’Orient et de l’Occident, quand Venise rayonnait et que les artisans étaient des maîtres, l’on vénérait les Belles Lettres. Il fallait un personnage aussi fort et flamboyant que Judit pour incarner cette ambition !

 

 

Même s’il est préférable de connaître les règles des échecs pour pleinement jouir des subtilités du Sacrifice des dames, ce roman érudit et baroque sera délicieux à tous.

 

Loïc Di Stefano

 

Jean-Michel Delacomptée, Le Sacrifice des dames, Robert Laffont, août 2017, 252 pages, 17 euros

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