Biographie de Jeanne Moreau, le tourbillon d’une vie

Réédition augmentée d’une belle biographie de Jeanne Moreau, une des plus grandes dames du cinéma français, par Marianne Gray.

 

Une biographie signée Marianne Gray

Les éditions Nouveau Monde ont la bonne idée de rééditer (et d’actualiser) la biographie de Jeanne Moreau (initialement parue en 2003). Étonnamment, ce copieux ouvrage est l’œuvre de Marianne Gray, une journaliste née en Afrique du Sud et qui a sévi en Australie et en Angleterre. L’on pourrait croire qu’elle maîtrise mal son sujet, il n’en est rien, bien au contraire. Marianne Gray a suivi de près la carrière de Jeanne Moreau et l’a rencontrée à plusieurs reprises. Si la comédienne n’a pas souhaité participer directement à cette biographie, elle n’a jamais cherché à l’interdire ni à la contrer.

 

Une carrière riche

Marianne Gray revient sur la riche carrière de Jeanne. « Riche », le mot est faible car la comédienne n’a jamais cessé de travailler s’essayant à bien des genres et goûtant à bien des arts (cinéma, théâtre, télévision, chanson, etc.). Jeanne semble n’avoir jamais eu une minute de libre. Elle dut tout de même trouver le temps de se détendre dans les bras de fougueux amants, plus évoqués que nommément cités dans cet ouvrage.

 

Jeanne Moreau

 

La grande dame Jeanne : une carrière ébouriffante

En lisant cette biographie bien construite et suffisamment fouillée, je me suis fait deux réflexions. La première est que, finalement, on connait très mal la carrière de Jeanne Moreau. Certes, tel est le but d’une biographie de nous faire découvrir des terres inédites, mais ici le fossé est gigantesque. Elle a fait mille fois plus de choses que l’on pourrait l’imaginer, rencontrer des gens dans tous les domaines, tous les pays, sans jamais vraiment chercher à se mettre en avant. C’est assez rare, surtout dans le cinéma français où les comédiens ont la mauvaise habitude de s’endormir sur leurs lauriers. Suivre la vie de Jeanne Moreau, c’est faire un voyage ébouriffant. Et presque exemplaire.

 

 

Jeanne Moreau : une filmographie cruelle ?

Ma seconde réflexion est plus circonspecte : au final, que va-t-il rester de Jeanne Moreau ? Sur le plan cinématographique, par exemple ? Certes, il y a Jules et Jim, le film que les médias du monde entier ont brandi au moment du décès de la comédienne. Mais outre cet arbre qui ne cache pas une forêt ? Les Amants de Louis Malle ? Oui mais le film est aujourd’hui oublié. Idem pour Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim qui fit pourtant scandale à son époque. Dans la centaine de films qu’elle a tournés, lesquels ont imprégné les mémoires ? Lesquels pouvez-vous citer au débotté ? Cruelle ironie d’une comédienne connue et appréciée dans le monde entier dont le grand public ne sait plus très bien ce qu’elle a fait… Si l’on jette un œil sur son box-office, on constate que son dernier grand succès personnel (par la suite, elle a surtout brillé dans des seconds rôles) date de 1965 avec Viva Maria où elle était opposée à Brigitte Bardot. Depuis, Moreau n’a plus jamais déplacé les foules sur sa seule présence. Et pourtant quelle comédienne !

Jeanne Moreau

 

Une biographie pour réparer une injustice

Le livre de Marianne Gray tombe donc à pic pour à la fois réparer une injustice et combler un vide. Il n’en prend que plus d’importance.
D’autant que les erreurs y sont quasi inexistantes. Seul détail amusant : cette volonté de transformer les studios de Boulogne-Billancourt en studios du bois de Boulogne. Comme si acteurs et comédiens s’égayaient dans les futaies pour tourner leurs films. À part cela, les habituelles étourderies. L’une des comédiennes de Lumière, réalisé par Jeanne Moreau n’était pas une cousine de Jimmy Carter et s’appelait Cartier (Caroline) ; le célèbre producteur américain répondait au nom de Wanger (Walter) et non Wonger. Et Faye Dunaway n’a nul besoin d’un e final pour compléter son patronyme… Quand le lecteur en est réduit à relever ces peccadilles, c’est que le reste du livre est bon. Dont acte.

 

Philippe Durant 

 

Marianne Gray, Jeanne Moreau, le tourbillon d’une vie (1928-2017), Nouveau Monde, septembre 2017, 317 pages, 19,90 euros

Laisser un commentaire