« Justice soit-elle », le polar engagé de Marie Vindy

Marie Vindy, chroniqueuse judiciaire pour le journal Le Bien public, a signé plusieurs romans à succès et se reconnait engagée pour la cause des femmes. Elle se fait une place digne de ce nom dans un monde dominé par les hommes. En mettant au jour plusieurs polars. C’est la base même de Justice soit-elle, véritable combat que mène plusieurs personnages. Plusieurs visions, plusieurs opinions menées par différentes femmes ayant vécu de lourds traumatismes. Mais pour elle un seul enjeu : se battre pour que justice soit faite, se battre pour être reconnue, pour pouvoir exister de nouveau.

 

Un escalier, rigide et long

L’escalier sur lequel vont marcher plusieurs femmes, de l’enfance à l’âge adulte, afin de faire ressurgir du passé leurs plus vieux démons, et enfin nettoyer vraisemblablement l’ombre qui pèse sur les âmes de leurs « filles », de leurs « amies », des membres de leurs familles disparus dans d’affreuses circonstances. Un pied en Bourgogne, dans une France que l’on ne penserait pas existante, une descente dans les ténèbres, en plein milieu de la campagne.

Le but de Justice soit-elle est d’ouvrir les yeux sur les erreurs judiciaires en France, et de voir combien de dossiers sont tombés aux oubliettes. D’autant plus vers les années 80-90 où les moyens n’étaient pas les mêmes que maintenant. Tantôt perdus, tantôt clôturés, car même si les soupçons étaient fondés, les preuves restaient insuffisantes, et la justice ne passait jamais, laissant donc des familles dans le désarroi le plus profond. 

 

Comment les drames transforment les gens

Marie Vindy, en appuyant sur le développement psychique de ses personnages, reviendra sur des histoires qui ont réellement existé au fin fond de la Bourgogne, plusieurs femmes assassinées, des crimes pratiquement jamais élucidés. Elle marquera un point d’exclamation, sur la valeur de la femme, encore bien négligée à notre époque. Elle abordera également l’immersion de celles-ci dans le monde du travail et leurs places dans la société. Et également tout le mépris auquel elles font face au quotidien. Au travail beaucoup moins bien prises au sérieux, à la maison parfois trop esclaves et battues, et enfants, trop rebelles, trop emprises dans leurs crises d’adolescence comme si le début de la féminité ne se réduisait qu’à ça. Et parfois obligée de se comporter comme des « garçons manqués » pour s’affirmer.

Il est important cependant pour les familles de ne pas tout révéler, tout ce qui s’est déroulé à ces instants précis. Marie Vindy est journaliste, mais elle reste pudique et respectueuse. Pour cette raison,  elle ne vole pas leur intimité comme elle aime le dire, le livre restera une histoire de fiction, inspirée de faits-réels et immondes.

 

Ce roman rend hommage à toutes ces filles assassinées, par un proche peut-être, par leur petit ami ou par un prédateur. Si les meurtriers bénéficient de la prescription, du classement de leur dossier et du droit à l’oubli, les familles, elles, n’ont pas ces droits et elles n’oublieront jamais. »

 

Marie Vindy nous ouvre les yeux sur un panorama très inquiétant du système judiciaire français. Combien de familles dans l’oubli ? Dans l’attente de reprises de procédures ?

 

17 affaires non résolues en 25 ans, dans cette Bourgogne si tranquille…

 

Finalement, nous nous rendons compte qu’à notre époque le monde est loin d’avoir évolué, et que les femmes devront encore faire front, pour pouvoir avoir le droit de vivre comme les autres. Construit sur la base de faits réels, Justice soit-elle  est une immersion journalistique dans toute cette noirceur, où existe peut-être un brin de lumière. Pouvons-nous faire confiance à la justice ? Comment croire aux autres lorsque l’on vit un drame ?

Justice soit-elle est un trait d’espoir, un regard porté là où d’habitude on ne regarde pas, et que l’on banalise trop.

 

Charlène Joubert

 

Marie Vindy, Justice soit-elle, Plon, juin 2017, 324 pages, 16 euros

 

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