La commune et les communards, la dernière révolution française

Une historiographie riche

La commune a suscité nombre de monographies et d’études tant l’évènement se prête à des interprétations souvent contradictoires. Ainsi Robert Tombs a récemment publié en 2014 chez Libertalia Paris, bivouac des révolutions, qui s’est révélée être une somme qui a fait date. On pourrait aussi citer Pierre Milza avec la seconde partie de son diptyque sur L’Année terrible (Perrin, 2009). Ici, Jacques Rougerie, spécialiste français de la commune, a fusionné deux ouvrages – Procès des communards (Julliard, 1964) et Paris insurgé – La Commune de 1871 (Gallimard, 1995) – pour en faire La Commune et les communards, sorti en poche au printemps dans la collection « folio » de Gallimard.

 

Un livre dualiste

La première partie du livre consiste en une synthèse sur la commune, plutôt réussie, claire, quoique sans grande originalité. La seconde partie reprend Procès des communards et s’appuie sur les procès-verbaux des interrogatoires et des procès qui ont suivi la semaine sanglante sur près de deux années (1871-73). L’exercice permet de donner un portrait de groupe de ces rebelles, pas tous issus de la classe ouvrière comme le voulait la vulgate marxiste.

D’ailleurs, ces ouvriers sont plus issus du monde d’avant l’industrialisation : ils sont restés proches de leurs patrons socialement, ont bénéficié de salaires relativement hauts durant l’Empire et n’ont pas encore une conscience de classe clairement définie (comme le démontre ailleurs Robert Tombs). Politiquement, ils sont plus proches des sans-culottes que de la sociale démocratie allemande ! sans compter leur patriotisme chauvin, stigmatisé par Marx.

 

Un ton parfois daté

La lecture de la seconde partie peut se révéler fastidieuse : il faut avoir de la patience et de l’envie pour lire l’ensemble des témoignages et déclarations mais relire les mots des hommes d’avant est aussi aussi un des plaisirs de l’histoire. On peut être par contre surpris par le ton de l’auteur : on devien en arrière-plan l’engagement à gauche de Jacques Rougerie, sa parfaite connaissance du marxisme (dont il remet en cause les interprétations de la commune) et son empathie avec les communards (attention, il ne justifie rien leurs crimes, comme par exemple l’exécution des otages).

Dans notre époque « dépolitiquée » comme dirait Baudelaire, en tout cas « démarxisé », cela détonne. Tant pis, l’ouvrage reste une bonne introduction sur un évènement qui suscite encore aujourd’hui débats et controverses.

 

 

Sylvain Bonnet

Jacques Rougerie, La Commune et les communards, Gallimard, « folio », mars 2018, 432 pages, 8,30 euros

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