La Petite Reine, anthologie littéraire du cyclisme

Roland Barthes considérait le cyclisme, et le Tour de France, comme consubstantiel de la mythologie française. La Petite Reine, une anthologie littéraire du cyclisme de Nicolas Grenier, révèle l’origine de cette fusion.

 

En 60 textes d’anthologie, La Petite reine nous plonge la tête derechef dans le guidon. Je souligne avec plaisir que cette belle éruption est propulsée par la petite maison d’Edition auvergnate au nom sibyllin : les éditions du Volcan. Tous ces textes sur le cyclisme sont sélectionnés dans le domaine public. Chacun des passages est présenté dans le contexte historique de l’auteur, son habitus stylistique et ses accointances avec la machine à deux roues susdite.

De la fin du XIXe siècle aux prémices de la seconde guerre mondiale, un engouement touchant toutes les classes sociales se propage tel un mascaret sur la Gironde. Lente, majestueuse, la vague remonte le pays.

Et la fine fleur, ou se croyant telle, comme le populo industrieux, d’adopter la mécanique, devenue translation pratique, sport et véhicule libertaire (36 et les congés payées seront son pinacle).

 

Alfred Jarry

Un tour de France des écrivains

Classé en 12 thèmes chapitrés (technique, aventure, humour, amitié, guerre, sport…), l’ouvrage surprend par le nombre d’auteurs académiques présents, en sus des écrivains populaires attendus. Qu’ils aient glorifié, encensé, narré ou même moqué cet objet de loisirs, ils se transforment souvent en parangon de la liberté et de la compétition en parlant de l’auguste petit reine.

Par exemple, le grand Émile Zola, en bon franco-italien, mélange détonnant pour qui aime le vélo, s’est piqué depuis lurette d’enfourcher sa bécane de marque Souplette. A Paris, comme en exil à Londres, il aimait…

 

filer à bicyclette le long de ces parcs et de ces haies interminables, entre tant de beaux arbres… »

 

Au 1er chapitre « amitiés, amour et amusette », il ouvre gaillardement le recueil avec une ballade francilienne entre un jeune prélat et une donzelle, parmi les paysages forestiers et champêtres. La surprise est d’y voir aborder, tout en pédalant, le sujet avant-gardiste de l’émancipation féminine ! Civilisationnelle, on vous dit la bécane !

 

Programme de l’Artistic Cycle-Club, 1896 (« Les Menus & Programmes Illustrés – Invitations – Billets de Faire-Part – Cartes d’Adresses – Petites Estampes du XVIIème Siècle jusqu’à nos jours. », Léon Maillard, publié par G. Boudet, Paris, 1898.

 

L’Artistic Cycle Club

Ainsi dans la même veine, on est tout aussi surpris du ton très actuel pris par Octave Mirbeau. Il est remonté en diable, et dans une diatribe sur la sécurité du cycliste, il fait feu de tous bois. Ce membre de l’Artistic Cycle Club, qui comptait dans ses rangs des sbires de l’acabit de Tristan Bernard, Jules Renard ou Alfred Capus, dénonce les dangers de la route devant l’inconséquence des faquins à vélo et en auto. Donc nous trouvons logiquement, à la partie « jeu avec la mort » (sic ! ), cette conclusion à son texte :

 

Il y a le cycliste…c’est entendu…Mais il y aussi l’automobiliste…Ayons le courage de confesser. Peut-être, de toutes les bêtes de la route, est-ce la pire ? »

 

Avec ou sans gilet, avec ou sans casques, la verve d’Octave ne prend pas non plus… de gants !

 

Allais, Jarry & Courteline en triplette

Bien sûr, nous retrouvons sans surprises, les compères Alfred Jarry (un passage du Surmâle !), Alphonse Allais et George Courteline. Chacun dans sa veine, cocasse et/ou faussement primesautière, y va de son sprint pro domo pour le bicycle.

Georges Moinaux, alias Courteline, se retrouve évidemment dans le chapitre « la minute d’humour du vélocipède » au titre tout desprogien. Une marrade toute joviale, autour de la figure du père Croustelier. Ci-devant entraîneur d’une équipe de bras-cassés, apprentis pédaleurs qui s’entraînent sur l’anneau de la piste galante (sic ! ). Entre gadins et pelles, les gars se tirent la bourre au grand désespoir dudit Croustelier. Sa description vaut son pesant de rustines :

 

son sourire dont la niaiserie défiait toute comparaison, donnait de sérieux tuyaux, et ses yeux, projetés hors de sa face, jaunes et ronds comme des boules de crottin frais pondues, miroitaient du morne reflet des candeurs immarcescibles !

Et aussi la crème des écrivains populaires

Ainsi, avec bonheur, nous retrouvons le must des écrivains populaires. Pour ces écrivains là, toute invention nouvelle est prétexte à une aventure textuelle.

André Laurie, Paul D’Ivoi, Maurice Leblanc, Maurice Level, Albert Boissière, Ernest D’Hervilly et le grand Jules Verne.

Enfin débarrassé des oripeaux de la bienséance, ce dernier se lance, plus curieux que téméraire, dans un sprint final sur triplette, dans une course américaine (extrait du « testament d’un excentrique », 1899) que n’aurait pas renié un Antoine Blondin, un Jacques Perret, un Paul Fournel, maîtres chroniqueurs des pages de l’Equipe :

 

[…] ils n’hésitèrent pas à emballer dès le début de cette course vertigineuse. Les roues de la triplette tournaient à la vitesse d’une dynamo mue par un puissant moteur, et, cette fois, le moteur, c’étaient ces trois hommes dont les jambes, transformées en bielles, poussaient l’appareil de toute leur vigueur.

timbre en hommage aux frères Michaux © La Poste

 

Une internationale cycliste ?

En conclusion, avec la partie « l’internationale de la bicyclette », Nicolas Grenier nous donne à lire ce que tout lecteur, même non pratiquant de la chose cycliste, se doit de ressentir. On ne peut arrêter un objet de liberté comme le vélocipède. La Petite Reine, restera, et pour longtemps, une monarque libertaire.

I want to ride my bicycle chantait les REINE/QUEEN dans Bicycle Race !

Freddy Mercury & ses boys avaient raison : Le vélo c’est Rock !

Bicycle, bicycle, bicycle

Bicyclette, bicyclette, bicyclette,

I want to ride my bicycle, bicycle, bicycle

J’ veux faire d’ma bicyclette, bicyclette, bicyclette,

II want to ride my bicycle,

J’ veux faire d’ma bicyclette,

I want to ride my bike

J’ veux faire de mon vélo

I want to ride my bicycle

J’veux faire d’ma bicyclette,

I want to ride it where I like  

j’veux aller où j’veux

 

 

Marc-Olivier Amblard

 

Nicolas Grenier, La Petite reine : anthologie littéraire du cyclisme, Editions Du Volcan, 22 euros

 

 

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