La révolution Sergio Leone

A l’occasion de l’exposition et retrospective Il était une fois Sergio Léone à la Cinémathèque de Paris, La Table Ronde fait paraître le catalogue de l’exposition, La Révolution Sergio Leone.

 

L’un de mes grands regrets (si ce n’est le plus grand) regrets de cinéphile est de n’avoir jamais pu rencontrer Sergio Leone. Il faut dire que j’ai été littéralement envoûté par Il était une fois dans l’Ouest. Je l’avais découvert sur grand écran lors d’une reprise estivale (tellement précieuse pour un véritable amateur de cinéma !) et, en quelques mois, je l’avais vu douze fois (je me souviens parfaitement du chiffre… et parfaitement du film !). C’était, et cela reste, pour moi le plus majestueux hommage au western. Avec l’une des plus belles scènes de toute l’histoire du septième art : quand Claudia Cardinale descend du train et que la caméra prend de la hauteur pour nous montrer la ville qui l’attend, sur une musique d’Ennio Morricone… Quelques années plus tard, j’ai enfin (car l’attente fut longue) visionné Il était une fois en Amérique et j’ai reçu un nouveau choc. Une œuvre majeure (dans sa version non tronquée). Sacré Sergio.

Au sujet de ce film j’ai une anecdote peu connue à narrer. Leone voulait intituler son film Il était une fois l’Amérique. Mais il se heurta au titre français identique d’un documentaire de George Stevens Jr (America at the Movies). Il y eut même un procès qui lui interdit d’utiliser Il était une fois l’Amérique dans l’Hexagone. Sergio, qui plaçait la France comme le pays le plus cinéphile du monde, préféra renoncer et modifia son intitulé pour l’ensemble de la planète…

 

Sergio Leone et Clint Eastwood sur le tournage de « Pour une poignée de dollars »

 

Tout cela pour dire que je connais bien la carrière de Sergio. Or, heureuse surprise, j’ai découvert plein de nouvelles informations dans ce livre La Révolution de Sergio Leone, co-écrit par Christopher Frayling, l’un des plus grands spécialistes de l’œuvre de Leone.

Il s’agit d’un ouvrage gigogne en ce sens qu’il regroupe divers chapitres portant sur des sujets différents : une courte biographie, des études autour de ses films, de nombreuses interviews et des textes signés Sergio Leone. Bref, un véritable foisonnement qui permet d’aborder l’œuvre du maître sous bien des aspects.

Ainsi l’une des études dévoile son influence sur l’ensemble du cinéma mondial. Certes, on sait que sur le strict plan du western il y eut un avant et un après Leone. Même les Américains ont subi son influence et les westerns des années 70 accusèrent le contrecoup et subirent des transformations en profondeur. Mais l’influence va bien au-delà. Ainsi, il est tout à fait juste de rappeler que La Guerre des étoiles (je parle du premier, de l’authentique, pas des fumeux ersatz produits ensuite) n’est ni plus ni moins qu’un western à la Leone transposé dans l’espace ; ce que George Lucas n’a jamais nié.

 

image de l’affiche du classique « Il était une fois en Amérique »

 

La partie interview est souvent passionnante. Il y a celles de Sergio (dont sa Master Classe donnée à paris en 1986) mais il y a aussi celles de collaborateurs. Ils sont nombreux à évoquer la forte personnalité du cinéaste : Clint Eastwood, Claude Cardinale, Lee Van Cleef, Eli Wallach, Ennio Morricone, Bernardo Bertolucci, etc. Certes, on aurait aussi aimé avoir Jason Robards, Charles Bronson, James Coburn et tant d’autres mais sachons nous satisfaire de ce plateau royal (j’ai eu l’occasion de parler du tournage d’Il était une fois en Amérique avec James Woods et ce fut, bien entendu, passionnant). Certaines de ces interviews se contredisent et cela ne leur apporte que plus de valeur.

La partie la moins intéressante concerne les rapports de Leone avec la critique tant française qu’italienne. Une nouvelle preuve, si besoin en était, que les « spécialistes » se fourrent souvent leur stylo dans le globe oculaire. Mais si les critiques servaient à quelque chose, depuis le temps ça se saurait !

Mon principal regret est que, dans l’ensemble, les histoires de tournage sont peu développées. On voudrait en savoir beaucoup plus sur les détails qui enrichissent tous les films de Leone et sur ses fabuleuses trouvailles. 

Mais, avec ses plus de 500 pages, cet ouvrage se révèle très complet et permet vraiment d’entrer pleinement dans le cinéma léonien. Comme il n’existe pas pléthore de livres sur le sujet on peut sans se tromper affirmer que celui-ci est indispensable. En prime il est illustré par des affiches et des photos bien choisies. Sergio Leone en aurait été content.

 

 

Philippe Durant

Gian Luca Farinelli et Christopher Frayling, La Révolution Sergio Leone, La Table Ronde, 512 pages, octobre 2018, 26,50 euros

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