L’âge d’or de la corruption parlementaire, les liaisons dangereuses de la politique et de la presse

Un historien du livre et de la presse

Professeur à l’université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, Jean-Yves Mollier a consacré toutes ses recherches à l’histoire de l’édition et de la presse. Il est l’auteur, entre autres, de L′Argent et les Lettres : histoire du capitalisme d’édition (1880-1920) (Fayard, 1988), d’une biographie de Louis Hachette (Fayard, 1999), de Le Camelot et la Rue : politique et démocratie au tournant des XIXe et XXe siècles, (Fayard, 2004), de l’Histoire de la librairie Larousse : 1852-2010 (Fayard, 2010). Avec l’Âge d’or de la corruption parlementaire, il se propose de revenir sur la nationalisation manquée des messageries de la presse, possédées avant-guerre par Hachette.

Un des principaux espoirs de la Résistance

Or Hachette a participé à la collaboration avec l’Allemagne nazie (évitant de peu une mise sous tutelle). A la libération, les nouveaux dirigeant veulent démanteler l’empire Hachette qui s’appuie sur un réseau de librairies et sur le quasi-monopole de la distribution des journaux en France et aussi dans les colonies. Hachette ne se privait pas de jouer de son influence sur le monde politique en favorisant tel ou tel journal.  L’idée des résistants (Francisque Gay, Fernand Grenier, Albert Gazier notamment) est de nationaliser les messageries, garantissant à tous les journaux une distribution libre et indépendante et favorisant ainsi l’expression de tous les courants politiques.

La victoire d’Hachette

Mais Hachette ne se laisse pas faire : face aux Messageries françaises de presse (MFP) constituées sur la confiscation de leur entreprise, ils lancent un nouveau groupe de distribution, l’Expéditive, appuyé sur l’argent des banques. Petit à petit, en jouant aussi la corde syndicale, Hachette grignote des parts de marché aux Messageries françaises de presse durant l’année 1947. Le groupe fait aussi jouer ses relais politiques : les radicaux, Edouard Herriot et Edouard Daladier en tête, la droite du PRL mais aussi des socialistes comme le futur président Vincent Auriol et surtout des jeunes comme Jacques Chaban-Delmas et François Mitterrand.

Au final on assiste, au nom de l’anticommunisme, au rétablissement du monopole de la librairie Hachette malgré ses compromissions durant l’occupation via la constitution des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne ou NMPP (dont Hachette est l’actionnaire principal), devenues Presstalis aujourd’hui.

La politique sous influence

Le principal intérêt de ce livre est de démontrer à quel point Hachette a contribué en sous-main à influencer l’opinion publique et les hommes politiques, en pratiquant allègrement la corruption. On découvre avec précision dans ce livre de Jean-Yves Mollier le rôle trouble de François Mitterrand et aussi de Jacques Chaban-Delmas, qu’Hachette soutient durant toute leur longue carrière y compris financièrement (les deux furent payés pour des études de publicité, pouffons).

Un très bon livre d’histoire qui pose la question de la place et de l’influence des médias (et de leurs propriétaires) dans une démocratie.

 

Sylvain Bonnet

Jean-Yves Mollier, L’âge d’or de la corruption parlementaire, Perrin, mars 2018, 352 pages, 24 euros

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