L’Art des films d’horreur, une mythologie graphique

Le récent triomphe (plus aux États-Unis qu’en France) de Ça, d’après Stephen King, prouve que le film d’horreur continue de bien se porter et qu’il bénéficie d’un immense avenir devant lui (voir les succès ces dernières années de Paranormal Activity, The Conjuring, Saw, etc.). Ce genre, — qui regroupe des franges d’autres genres (fantastique, science-fiction mais aussi polars et comédies) — est quasiment aussi vieux que le cinéma lui-même puisque la fameuse arrivée du train en gare de La Ciotat des frères Lumière effraya les spectateurs. Il est vrai qu’à l’époque, le public se contentait de peu. Aujourd’hui, ce même train n’éveille qu’un intérêt historique. Mais le cinéma d’horreur a su évoluer, surfer sur les modes, trouver sans cesse de nouvelles méthodes pour clouer les aficionados à leurs fauteuils.

Il n’est pas faux de dire (et de titrer) que les films d’horreur forment un art. À deux niveaux. D’abord sur l’écran. Une œuvre magistrale comme Psychose a complètement redéfini le genre et imposé des bases encore en vigueur aujourd’hui. Merci Alfred. Ensuite sur les façades des cinémas et dans les magazines. Par les affiches, bien sûr, mais pas seulement (flyer, placards publicitaires…). Le but était d’attirer le chaland dans les salles. D’où des illustrations aussi spectaculaires qu’angoissantes qui, parfois, n’avaient qu’un lointain rapport avec le sujet. L’amateur, attiré par une promesse trompeuse, pouvait se retrouver face à un film incapable d’arracher le moindre émoi à un enfant de quatre ans. Il n’en demeure pas moins que tous ces visuels restent passionnants à revoir ou à découvrir. Ici, et c’est l’une des forces de ce livre, ils proviennent du monde entier. Comme le souligne la préface :

 

Ces images sont l’exact reflet des publicités et surtout des modes de leur époque, aussi bien du point de vue esthétique que graphique. […] De très nombreuses affiches de films d’horreur sont devenues iconiques, voire des objets de collection. »

 

L’ouvrage suit deux voies complémentaires.

D’un côté – au niveau du texte – il nous propose de suivre l’évolution du genre. Décennie après décennie les films majeurs sont mis en exergue mais les films secondaires ne sont jamais oubliés. Les références sont nombreuses, les informations précises. Bien entendu, il n’est pas question de répertorier tous les films liés au genre (il faudrait une encyclopédie) mais au moins de montrer l’évolution tout en glorifiant les acteurs mythiques (Vincent Price, Peter Cushing, Boris Karloff, Lon Chaney, Bela Lugosi et consorts) et en rappelant le travail innovateur de certains réalisateurs.

D’un autre côté cet album s’érige comme un véritable catalogue d’illustrations « horribles ». Je n’ai pas pris la peine de les compter mais elles sont au nombre de plusieurs centaines et quasiment toutes méritent un temps d’arrêt. Dès lors, lire ou feuilleter ce livre s’apparente à une sorte de périple dans un train fantôme. On ouvre les yeux d’étonnement, on sourit, on est intrigué. Et, parfois, on plonge dans ses souvenirs. L’iconographie occupe une place de roi et, ce qui n’est pas toujours le cas, bénéficie d’une impression de qualité. Les détails sont bien rendus et les couleurs fidèles aux originaux. L’horreur méritait bien un tel traitement.

Malheureusement ce livre pêche au niveau de la traduction. J’ai renoncé à relever toutes les erreurs, coquilles, bévues, approximations et autres contresens (une publicité devient sous l’effet de Google Trad. un avertissement !). Certaines phrases m’ont paru incompréhensibles, y compris à imaginer qu’elle pouvait en être leur version originale… Par ailleurs, se pose à nouveau la question de la traduction des titres. Ici tous sont présentés dans leur forme anglo-saxonne (y compris pour les films français !) mais tous ne bénéficient de leur traduction (ou adaptation) française. Une certaine gymnastique et une bonne mémoire sont parfois nécessaires.

 

Boris Karloff incarne Frankenstein

Restent les illustrations. Impeccables et distrayantes. Après tout, ce sont elles qui forment l’art des films d’horreur bien plus que le texte lui-même. Boris Karloff vous accueille dès les premières pages. Il ne vous conseille pas d’attacher vos ceintures mais pas loin. Bienvenue dans le monde des zombies, des docteurs sadiques, des fantômes, des monstres en tout genre et des victimes à fortes poitrines…

 

Philippe Durant

Sous la direction de Stephen Jones, L’Art des films d’horreur, préface de John Landis, Gründ, octobre 2017, 256 pages, 29,95 euros

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