L’Empire des sables, La France au Sahel, 1860-1960

Un spécialiste de l’histoire des risques

 

Emmanuel Garnier, directeur de recherche au CNRS, est par ailleurs professeur et chercheur invité aux universités de Cambridge, de Genève et au MIT. On lui doit des recherches sur l’histoire des risques qu’ils soient climatiques, militaires ou sanitaires. Il a notamment publié Terre de conquêtes, les forêts vosgiennes sous l’ancien Régime (Fayard, 2004) et Les Dérangements du temps (Plon, 2010). Il s’intéresse ici à un pan méconnu de l’histoire coloniale française, le Sahel, gardé par les fameux régiments de méharistes.

 

Une conquête par hasard ?

 

Emmanuel Garnier commence par retracer les étapes de la conquête française d’un territoire marqué par le désert. Si la marine joue un rôle via les Marsouins, c’est l’armée de terre qui conquiert le territoire, d’abord avec Faidherbe, gouverneur du Sénégal sous le second empire. Il s’agit de relier l’Algérie à l’Afrique noire et d’interdire aux anglais de s’étendre dans ce qui deviendra Niger et Mali. Les français rencontrent des populations très différentes, sédentaires et nomades (les fameux Touaregs). On créée alors les régiments de méharistes, c’est-à-dire à dos de chameaux, largement recruté localement avec un encadrement toutefois toujours européen, ce que ne relève pas notre auteur.

 

Pacification et médicalisation

 

Emmanuel Garnier rappelle ensuite l’œuvre des médecins coloniaux qui luttèrent contre la méningite et la maladie du sommeil. Ici, il convient d’apporter un bémol. Guillaume Lachenal a récemment attaqué la façon dont avait été traitée la maladie du sommeil. Sans aller s’immiscer dans des débats de spécialistes, il convient de rappeler que la médecine était aussi un instrument de pacification coloniale. Oui, les médecins européens firent beaucoup pour la population locale, oui ils formèrent des médecins locaux. Emmanuel Garnier oublie cependant de relever que la formation de ces derniers était volontairement moins poussée que pour les métropolitains, signe de l’ordre colonial au moins jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale.

 

Un débat ouvert

 

On note dans cet ouvrage la volonté de rectifier une mode de l’historiographie récente à accabler l’œuvre coloniale française, raciste et impérialiste. Soit. Reste que certains faits demeurent. Comme l’auteur le dit lui-même, la France gagnerait à une histoire plus équilibrée. Bien, mais pas de tentation de l’excès inverse.

Nonobstant, cet ouvrage dans sa globalité n’y verse pas et constitue un jalon dans la recherche historique dans un domaine largement ignoré ces dernières années. C’est tant mieux.

 

 

 

Sylvain Bonnet

 

Emmanuel Garnier, L’Empire des sables, Perrin, février 2018, 320 pages, 23 euros

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