L’invention du bronzage, sous le soleil exactement

Un historien fameux

Auteur des Collaborateurs, ouvrage fameux paru chez Seuil en 1976 et qui lui conféra une autorité d’expert sur la période de la seconde guerre mondiale, Pascal Ory consacra ensuite ses recherches sur l’histoire intellectuelle : citons par exemple Les Intellectuels en France de l’affaire Dreyfus à nos jours avec Jean-François Sirinelli (Armand Colin, 1986) ou L’Aventure intellectuelle française (Flammarion, 1989). Les éditions Flammarion rééditent ici un essai de 2008 paru aux éditions Complexe, L’Invention du bronzage (parce que l’été est là ?), plutôt inhabituel de la part d’Ory.

 

Un chapitre d’histoire culturelle

Pascal Ory avoue dès les premières pages s’inscrire dans les pas d’Alain Corbin, le grand spécialiste de l’histoire des sensibilités. Etudier en effet le bronzage, l’établir comme un sujet d’histoire peut étonner l’amateur. Pour autant, on découvre au fil des pages qu’il s’agit vraiment d’une évolution anthropologique majeure. Exposer son corps, surtout de la part des femmes (qui seront ici un acteur majeur) relève d’un véritable tabou. De plus, l’idéal, au niveau de la carnation au XVIIIe et XIXe siècles reste la peau blanche, cher aux romantiques par exemple. A un moment où l’Europe bâtit des empires coloniaux face à des peuples à la peau différente.

 

Un marqueur de la société de consommation

La vogue du bronzage, porté par les femmes qui y voient un signe d’émancipation à un moment où les mentalités sont mouvantes (ainsi dans les sociétés germaniques, y compris dans l’Allemagne nazie), est indissociable de l’essor de la société de consommation. Des sociétés comme L’Oréal ou Bayer y bâtissent des fortunes parfois réemployées dans des projets politiques extrémistes (ainsi d’Eugene Schueller et de la Cagoule). Bref, Sol Invictus a envie de s’exclamer le latiniste frustré.

Reste que les comportements évoluent depuis l’acmé des trente glorieuses: la mode est aujourd’hui  à la fragmentation culturelle et le bronzage n’est plus ce qu’il était (la vogue du gothique a remis au gout du jour le teint pâle comme idéal). Excellente synthèse.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Pascal Ory, L’Invention du bronzage, Flammarion « champs », mai 2018, 154 pages, 7 euros

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