Louis II de Bavière, le roi qui venait d’ailleurs

Le mythe de « Ludwig »

Sur la photo de couverture, il ne vous regarde pas, ses yeux sont pointés vers le haut, vers un au-delà connu de lui seul. Louis II de Bavière fait ici penser à un homme venu d’ailleurs, un David Bowie couronné. Catherine Decours, historienne, auteur d’une biographie de Juliette Récamier (Perrin, 2013), relève ici le défi d’écrire une biographie sur un personnage singulier qui entendait « demeurer une énigme pour lui et les autres ». Sa folie et sa mort mystérieuse ont achevé de créer sa légende au point d’en faire un héros de cinéma, dans Ludwig de Luchino Visconti notamment. Mais qui était-il réellement ?

Un roi pas comme les autres

Petit-fils de Louis Ier, qui abdiqua à cause des rumeurs sur sa passion pour Lola Montès (voyez le superbe film de Max Ophuls), le futur Louis II grandit dans une famille, les Wittelsbach, aussi ancienne que les Habsbourg, et régnant sur un pays, la Bavière, devenu grâce à Napoléon un royaume. Ses parents s’occupent peu de lui : il est confié à des précepteurs qui l’élèvent à la dure. Est-ce la raison de sa sensibilité ?

Très vite, il aime sa solitude, se tient à l’écart des autres, ne jurant que par la musique de Wagner. Devenu Roi, il écrit à ce dernier, l’accueille dans son royaume et le finance littéralement. Sans le soutien de ce monarque extravaguant, on peut d’ailleurs juger que jamais Wagner n’aurait pu finir son œuvre. Excessif, Louis II a le goût de l’amitié passionnelle. Sans doute homosexuel, a-t-il cependant franchi un jour le pas ? S’est-il contenté des sentiments ou est-il allé plus loin ? L’imagination le décide.

Un règne étrange

Louis II n’aime pas Munich et se réfugie dans des refuges à la montagne ou dans la campagne. Catherine Decours le décrit comme un schizophrène, peu à peu coupé du monde. Mais il est intelligent, comprenant par exemple très bien la stratégie prussienne pour unifier l’Allemagne, projet auquel il tente de résister, en vain. Sous la pression de son gouvernement et de l’opinion publique, il renonce à la neutralité et se joint à la Prusse contre la France en 1870 (alors qu’il admire Louis XIV et Marie-Antoinette).

Il refuse cependant de participer au couronnement de Guillaume Ier comme Empereur d’Allemagne dans la galerie des glaces de Versailles et envoie son frère Otto le représenter (lui aussi finira fou). Bismarck donnera à Louis II une rente annuelle de 200 000 marks pour apaiser ses scrupules. Ils serviront à financer son train de vie extravaguant, ses libéralités, ses cadeaux, ses châteaux enfin. Louis II s’enfonce dans sa solitude tout en restant populaire : il est le Märchenkönig, celui dont les paysans guettent le passage dans son traîneau la nuit. Finalement, il est « déposé » par le gouvernement et interné en 1886. Son décès spectaculaire (a-t-il tué son médecin ? Est-il victime d’un complot ?) le fait entrer dans la légende.

Quel bilan ? Laissons le dernier mot à son biographe :

Roi sensible à la grandeur et à la beauté, il a permis au génie de Wagner de s’épanouir et de mener à bien une œuvre gigantesque. Il a bâti trois châteaux magnifiques qui aujourd’hui encore attirent les foules qu’il aimait tant. En dépit de la maladie qui le condamnait à vivre de plus en plus séparé de ses semblables et dans les tortures de l’angoisse, il a été, autant qu’il était en son pouvoir de l’être, un homme bon cherchant à apporter du soulagement autour de lui. »

Sylvain Bonnet

Catherine Decours, Louis II de Bavière, Fayard, janvier 2019, pages, 24 eur

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