L’ours et le rossignol, la jeune fille et l’hiver

Une nouvelle plume

On ne fera pas ici un historique de la carrière de Katherine Arden : L’Ours et le rossignol constitue son premier roman et sa première publication en France. Il s’agit ici du premier volume d’une trilogie, paru en 2017 aux Etats-Unis, où l’auteur réutilise les contes russes, qu’elle connait bien pour les avoir étudiés à l’université. Un énième cycle de fantasy ?

Dans le froid et face à la magie

Dans la Russie médiévale, la population s’est convertie au christianisme sans toutefois avoir complètement oublié ses anciennes croyances. Le tsar lui-même a épousé une femme magnifique mais étrange, qualifié de sorcière. Ils ont eu une fille, Marina, qui a été mariée au seigneur Piotr Vladimirovitch. Le couple heureux mais Marina tombe une fois de plus enceinte, à la grande inquiétude de son mari :

Oui, dit-elle en rejetant la natte par-dessus son épaule. Une fille. Elle naîtra à l’automne. / — Marina… / Son épouse comprit sa question muette. “Je l’ai voulue ; je la veux encore.” Puis plus bas : “Je veux une fille comme était ma mère.” »

Marina meurt en mettant au monde Vassia qui est élevée au sein de la fratrie par Dounia, la servante dévouée de sa mère. Vassia est différente des autres. Pour elle, les histoires de Morozko, le démon aux yeux bleus et de son frère l’Ours sont vraies. Elle parle aux esprits domestiques comme le « domovoï » et aux esprits des lacs et de la forêt. Les choses se compliquent pour Vassia quand son père prend une autre femme, Anna Ivanovna, une dévote qui voit des démons partout.

Et puis il y a ce prêtre, l’orgueilleux Konstantin, désireux de mener ses ouailles à la baguette et qui regarde bizarrement la jeune Vassia, qui devient une jeune femme. Et les démons rôdent aux alentours du village.

Un excellent premier roman

Entre hommage aux contes russes et fantasy, L’Ours et le rossignol est une réussite de par la qualité des personnages. Katharine Arden réussit à rendre Vassia et sa famille vivante aux yeux du lecteur. Chacun est riche, chacun a ses failles. Le personnage du père, Piotr, balançant entre l’amour pour sa fille et sa fidélité au christianisme et aux préjugés de sa caste, séduit ainsi le lecteur par sa complexité.

Quant à l’histoire de Vassia, jeune fille rebelle et farouche, on pourrait y voir une illustration de la difficulté des femmes à vivre leur vie dans un monde gouverné par des hommes. On peut être aussi séduit par la façon dont Arden, avec poésie, fait revivre ce folklore russe.

Une bien belle réussite qui, espérons-le, en annonce d’autres.

Sylvain Bonnet

Katherine Arden, L’Ours et le Rossignol, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Collin, illustration de couverture d’Aurélien Police, Denoël, « Lunes d’encre », janvier 2019, 368 pages, 21,90 eur

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