« Marcher à Kerguelen » de François Garde

Une épreuve de tous semaines et demi de marche dans un climat plus qu’hostile et sans échappatoires possible. Dans la lignée des grands récits de voyage, François Garde nous emmène avec lui Marcher à Kerguelen.

 

Le désir des îles de la désolation

Présent comme « personnage » dans les romans de François Garde, ce haut fonctionnaire de 59 ans venu sur le tard au roman, l’archipel des Kerguelen attendait son heure. Il y vécut quatre ans, comme administrateur Terres australes et antarctiques fran­çaises, puis y revint régulièrement. Jamais il n’avait envisagé de lui consacrer une vraie grande traversée.

A 56 ans, il se décide enfin à  se coltiner réellement à ce qui nourrit ses fantasmes depuis des années, qu’il parcourt l’île par petites étapes. Le grand voyage, d’une traite, du nord au sud, pendant trois semaines, va pouvoir commencer. Après une longue préparation, de lui-même et de son équipe, de son matériel et de son parcours, François Garde est prêt à affronter son vieux compagnon.

 

J’écris inconfortablement, couché sur mon duvet, menacé par la crampe. Un carnet noir, rigide, sorti avec précaution du sac étanche qui le protège, recueille mes impressions. Je le remplis au fil des jours, les réflexions s’y accumulent, s’y font écho, s’y contredisent ou s’y répètent. Ce flux qui va toujours vers l’avant ne peut être corrigé, amplifié, détourné, dérivé, déplacé. Le moment n’est pas venu de faire des ratures ou d’avoir des repentirs. »

 

« Le vent s’est tu. Nous entendons enfin le silence de cette île »

Bien sûr, même si l’équipe est aguerrie et préparée, l’épreuve est terrible. Le terrain, l’isolement, le froid, le vent. Mais cette marche est avant tout une lutte contre soi-même. Même si les éléments son impossibles à concevoir pour un occidental, affronter ces conditions extrêmes ne vaut rien si aucun esprit ne nourrit la marche. Extraire par la réduction de l’homme à sa pure mécanique ce qu’il y a de plus beau en lui : sa volonté.

Et ce qui est particulièrement beau dans ce récit, cet affrontement de soi à soi par le contact de l’extrême, c’est que chaque pas, chaque réveil, chaque petite colline est une victoire. Et François Garde ne pérore pas, il reste toujours modeste, même quand, pour lui, la réussite est de taille. C’est un récit simple, pas ampoulé le moins du monde, qui va, comme son narrateur, pas à pas.

Marcher à Kerguelen est une expérience de lecture qui rend grâce à la beauté de l’effort.

 

 

Loïc Di Stefano 

François Garde, Marcher à Kerguelen, Gallimard, février 2018, 236 pages, 19,50 euros

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