Montaigne, biographie d’un maître à redécouvrir

Des guerres de religion à l’auteur des essais

Aux côtés de Jean-Marie Constant, Janine Garrison et Denis Crouzet, Arlette Jouanna est une des meilleures spécialistes de la France de la Renaissance et des guerres de religion. On lui doit par exemple Le Devoir de Révolte (Fayard, 1989) qui se proposait d’analyser les comportements de rébellion de la noblesse française. Le Pouvoir absolu (Gallimard, 2009) et Le Pprince absolu (Gallimard, 2014) se proposaient plus d’analyser la montée de la monarchie absolue et la sacralisation de la personne du Roi. Cette biographie de Montaigne, contemporain des guerres de religion, prolonge, on va le voir, certains de ses travaux antérieurs.

Une personnalité originale

À travers Michel de Montaigne, c’est d’abord l’histoire d’une famille qu’analyse Jouanna, les Eyquem qui s’est élevé grâce au commerce, a acheté des terres et s’est finalement fondue dans une noblesse à laquelle elle n’appartenait pas originellement. Le père de Montaigne fait les guerres d’Italie puis se marie avec Antoinette de Louppes, d’une famille aisée, peut-être de souche juive.

Montaigne naît en 1533 et reçoit une éducation de gentilhomme. Sa rencontre avec La Boétie structure sa vie et leur amitié fournira un modèle à nombre de jeunes gens. Jeune magistrat, confronté aux séditions et à la fracture religieuse, Montaigne choisit de se mettre en retrait de la vie de son temps en 1571. C’est inouï vu l’époque ! On peut y voir aussi un acte de rébellion face à son temps. Mais si Montaigne écrit, il reste cependant proche de la politique…

Le maire de Bordeaux

Et oui, bien avant Alain Juppé, Montaigne a occupé lui aussi cette fonction ! S’il le fait, c’est sur l’insistance de ses pairs et aussi parce qu’il n’a pas rompu les ponts avec la cour. Il espère pouvoir conseiller Henri III. Montaigne ne sera maire que quelques années mais tentera de mettre en application ses idées. Ici, Arlette Jouanna se montre passionnante en décrivant un Montaigne inattendu, non courtisan mais désireux de peser sur son époque. Montaigne, face aux troubles religieux, en appelle à la raison publique, il veut transcender les conflits. Par là-même, on ne peut que souligner qu’il nous parle toujours.

Et puis, à l’instar d’Antoine Compagnon (sauf qu’on est plus en été), nous disons qu’il est temps de passer un moment avec Montaigne : lisez les Essais !

Sylvain Bonnet

Arlette Jouanna, Montaigne, Gallimard, octobre 2017, 464 pages, 24,50 euros