« Notre crime » d’Émile Brami

Entre fiction et récit, Émile Brami nous plonge avec Notre crime dans ses racines familiales juives tunisiennes et ausculte, à travers le mystérieux Azed, l’âme humaine. Comme pour L’Adversaire d’Emmanuelle Carrère dont le protagoniste défraya la chronique, Émile Brami nous raconte l’histoire d’un homme qui lui aussi falsifia sa vie, la revêtit d’un manteau de mensonges tant par pression familiale que par vice. Un homme, somme toute banal, qui sera tenté de mettre un terme à sa mascarade par le sang…

 

Le frère maudit

Tout débute lors d’une réunion familiale où Émile Brami croise cet intriguant parent éloigné dont le prénom a été remplacé par Azed. Celui-ci est détesté, réprouvé, ostracisé, répudié mais malgré tout invité du fait de ces généreuses donations. Souvent accompagné de poupées blondes venues d’Europe de l’Est, l’homme n’inspire que dégoût, la simple évocation de son nom distillant une odeur de souffre. Qui est-il et pourquoi cette haine ?

Lorsqu’Azed vient à la rencontre d’Émile, désireux d’échanger quelques mots avec « l’écrivain de la famille », le romancier ne pourra plus faire machine arrière… Azed lui propose de concrétiser le projet littéraire auquel il s’essaie de longue date et qu’il n’a jamais pu concrétiser. Bien que tenté, Émile refusera et ne reviendra sur sa décision que lorsqu’il décède peu de temps plus tard. Ce dernier, sentant la camarde venir, ayant rédigé son testament sans omettre d’y intégrer Émile. Azed lui fait un cadeau empoisonné : une somme d’argent et de mystérieux cartons. Émile comprend ce qu’il attendait de lui. En contrepartie de ce viatique, coucher sur le papier ce récit de vie auquel il tenait tant… Émile découvre alors ce qui lui reste de sœurs et prend la pleine mesure de la détestation qu’elles nourrissent envers ce frère maudit, ce frère qu’elles n’avaient plus vu depuis des années, qui est la cause de tant de souffrance et de honte. Émile renoncera finalement aux euros mais acceptera les cartons, ces derniers s’avérant remplis d’articles de journaux et d’écrits du défunt…

 

Petits secrets de famille

Émile Brami remonte alors aux sources de cette histoire familiale, celle d’un jeune homme qui dupa durant des années ses parents, son jeune frère et ses sœurs, leur faisant croire qu’il poursuivait ses études de droit alors qu’il passait ses journées à errer dans les rues de la capitale. Celui qui se voulait musicien et qui pour redorer le blason de son père humilié par la vie accepta de jouer cette comédie, parvint à tenir son rôle jusqu’au jour où rattrapé par la vérité il n’eut plus d’autre choix que de fuir… Fuir et trucider sa famille pour leur éviter un chagrin et une honte de chaque instant, ayant brisé le cœur et les espoirs d’un père qui avait tant misé sur lui. Il ne passera finalement pas à l’acte et s’exilera des siens pour ne plus jamais les revoir. Contre toute attente, celui que l’on voulait avocat afin de s’élever socialement se révèlera doué pour les affaires et, bien que ne jouissant pas du prestige d’homme de loi, parvint à endosser les attributs de la réussite.

 

Notre crime nous rappelle combien être l’unique maître de notre existence est parfois difficile quand d’autres s’immiscent dans nos destins, combien le déterminisme tire les ficelles de nos vies, combien nous pouvons être ingénieux et malicieux lorsqu’il s’agit de duper nos proches… Enfin, plus que n’importe quel être vivant sur Terre, que le mensonge est vraisemblablement inscrit dans notre ADN. Le gêne du mensonge étant vieux comme l’humanité elle-même…

 

Romain Grieco  

Émile Brami, Notre crime, Écriture, janvier 2018, 18 euros

 

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