Les nuits de San Francisco, les loosers de l’Amérique

Le surdoué du polar français

De Caryl Férey, le lecteur de la série noire n’a que de bons souvenirs. L’homme aime entraîner son lecteur dans des intrigues se déroulant dans des pays étrangers et exotiques : Argentine (Condor, Mapuche), Nouvelle-Zélande (Haka)… Férey excelle dans des récits torturés, volontiers violents, hantés par un passé jamais encaissé (typique ici du roman noir). Les éditions Gallimard proposent ici une réédition en Folio d’un court récit publié en 2014 chez Flammarion, Les Nuits de San Francisco.

Une rencontre improbable

Un indien saoul, Sam, erre dans les rues de San Francisco. Il a fui sa réserve, un enfant qu’il a fait à une femme qu’il n’aimait pas. Après avoir travaillé dans le bâtiment à Las Vegas, la crise a fait de lui un sans-abri. Et il boit. Sam croise Jane, une ravissante jeune femme dotée d’une prothèse à la place d’une de ses jambes. Jane boit sec aussi, elle cherche à oublier la mort de son enfant. Sam va vers elle, ému par sa beauté et sa détresse. Jane reconnaît en lui un frère de douleur. Les deux commencent un voyage qui les mènera jusqu’à la mort.

Du noir, en veux-tu en voilà !

Ce court récit ne dure que 112 pages mais alors, bon dieu, ça décoiffe ! viol de jeune fille, drogues, alcoolisme, racisme anti-indien, âmes fracassées sur ce mensonge qu’est le rêve américain : Caryl Férey tape fort, ce récit rend le lecteur K.O. Jane et Sam ne sont que des vagabonds, des âmes blessées mortellement par la vie d’une société qui se fout complètement de l’individu tout en vantant l’individualisme (voilà le ressac de la civilisation américaine et mondiale). Alors on ressort éreinté, secoué de cette longue nouvelle (une novella comme on dit là-bas). On ressort ému également. Voici une preuve de plus du talent violent de Férey.

 

 

Sylvain Bonnet

Caryl Férey, Les Nuits de San Francisco, Gallimard, « Folio policier », septembre 2017, 112 pages, 5,90 euros

Laisser un commentaire