Philipe Henriot, la résistible ascension d’un provocateur

Un historien de la pensée politique et médiatique

Christian Laporte est spécialiste de l’histoire politique et culturelle. Il a beaucoup publié sur les médias, aussi le voir signer une biographie de Philippe Henriot (1889-1944), ce petit professeur d’anglais devenu  Secrétaire d’Etat à la propagande et la voix de l’Allemagne en France, aux confins donc de la politique et des médias, n’est pas inattendu. Il rejoint ainsi son premier travail publié, Les Crayons de la propagande. Dessinateurs et dessin politique sous l’Occupation (1993). Et son traitement très vivant et riche offre une vraie belle lumière sur cette histoire troublée d’un homme emportée par ses mots…

Le cas Henriot

 

Il n’aura fallut qu’un engagement de trop pour faire de Philippe Henriot l’homme à abattre. Jusqu’en 1942, il est la voix de Vichy, mais il est craint et admiré. Dès qu’il s’engage dans la Milice et qu’il devient, sur très forte pression de l’Allemagne, le secrétaire d’état à l’information et à la Propagande, il est aussitôt l’homme à abattre pour la Résistance. Si jusqu’alors on admirait ses capacités oratoires, comme naguère au Parlement, « Philippe Henriot ment Philippe Henriot est allemand » devient la rengaine. Assassiné le 28 juin 1944, sa mort en fait un martyre pour la Milice — qui le voyait bien succéder à Pierre Laval — et un acte glorieux pour la Résistance. Plusieurs années après la Libération, une messe est encore célébrée en sa mémoire, chaque année, et Henriot reste l’épouvantail des communistes, jusqu’aux scandales Papon et Touvier qui, pour ainsi dire, lui volent la vedette.

 

Philippe Henriot en 1934

 

Henriot a plusieurs vies. Et une seule passion : les papillons… Professeur en Gironde, il croise le chemin de l’abbé Daniel Bergey, orateur émérite de la cause politique chrétienne, lequel voit en son grand admirateur une relève possible. Et c’est la révélation pour Henriot, qui s’engage de plus en plus dans le combat politique. Affilié à la droite chrétienne, il mènera campagne pour s’imposer en Gironde et deviendra député. Rapidement, c’est une voix qui compte à l’Assemblée.

 

Henriot est écouté par tout le monde, adversaires ou convaincus. Des familles décalent leurs heures de repas pour ne pas le manquer. Il n’y a plus personne dans les rues à l’heure où il parle. » (Roger Martin du Gard, Chronique de Vichy)

 

D’abord pacifiste, puis proche de Mussolini dans un rêve de pan-latinisme, il aura été anti-allemand très tard, ses adversaires ressortant avec malice ses textes acerbes au moment de sa nomination. C’est son anti-bolchévisme constant qui le fera se tourner vers le IIIe Reich comme un rempart à la fin du monde et pour une grande Europe.

Cette haine aura finalement raison de son humanisme premier, et plus il prendra de pouvoir, plus il se laissera guider par elle. Devenu le héros de la Milice, et même si les préfectures adressent régulièrement des rapports qui montrent que son influence n’est pas aussi forte que cela, Philippe Henriot reste à jamais l’orateur le plus puissant — le Goebbels français disait-on — le funeste propagandiste de Vichy. Mais quel talent ! quel sens oratoire hors du commun !

 

Philippe Henriot, admiré par François Mauriac et bien qu’il soit un romancier et poète très peu lu, restera comme un maître des mots, celui qui s’opposa dans une guerre des ondes ultra-moderne à Radio Londres et notamment à Pierre Dac, dans un duel à distance que suivaient chaque jour des milliers de Français. Christian Delporte en dresse un portrait vivant, sans complaisance mais sans non plus l’agonir, montrant toutes les facettes de cet homme cultivé grisé de ses mots.

 

 

Loïc Di Stefano

 

Christian Delporte, Philipe Henriot, la résistible ascension d’un provocateur, Flammarion, « Grandes Biographies », janvier 2018, 360 pages, 25 euros

 

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