« Quattrocento » de Stephen Greenblatt, la connaissance sauvée du néant

Un érudit d’outre-Atlantique

Officiant à Harvard, Stephen Greenblatt est surtout connu pour son travail sur Shakespeare : il a ainsi publié une biographie, Will le magnifique (Flammarion, 2016) qui a remporté un certain succès. Homme de lettres, tenant du « néo-historicisme », il n’hésite pas à s’intéresser à l’histoire et ainsi fait paraître en 2011 Quattrocento, un essai sur les origines de la Renaissance qui remporta le prix Pulitzer de l’essai 2012. Quelle est la thèse de cet essai ?

 

La redécouverte d’un texte latin majeur

Stephen Greenblatt raconte ici comment Le Pogge, un obscur ex-secrétaire du pape schismatique Jean XXIII, partit à la recherche de manuscrits latins dans des monastères d’Italie et d’Allemagne. Il excelle à peindre les débuts du XVe siècle italien, où les érudits redécouvrent les ouvrages de l’antiquité ou du moins ce qu’il en rester : on estime que 80% de la littérature grecque et latine fut perdue durant le haut moyen-âge. Comme le papier était rare, les moines utilisaient de vieux manuscrits pour copier des textes saints, après avoir effacé le texte précédent. C’est ainsi que fut redécouvert De rerum natura, un long poème du romain Lucrèce.

 

Un manuscrit à l’origine de la Renaissance ?

Que contient ce poème ? Lucrèce, esprit original du dernier siècle de la République, y fait l’éloge de l’amour et de la sensualité, y remet en cause des dieux décrits au mieux comme indifférents à l’homme et décrit la nature et la matière comme un enchevêtrement d’atomes. Il reprend là des idées défendues par les épicuriens, Démocrite en tête. On peut sans problèmes imaginer le choc constitué par la redécouverte de cet ouvrage dans l’Occident chrétien !! Lucrèce ne fut pas mis à l’index par l’Eglise qui y vit au pire un livre païen sans danger. Pour Greenblatt, ce fut le point de départ d’une réflexion d’ensemble qui permit la Renaissance. On retrouve De rerum natura dans toutes les bonnes bibliothèques du temps, de Machiaval à Michel de Montaigne. Sans conteste, la lecture de Lucrèce contribua à fertiliser l’esprit des hommes de la Renaissance.

Très bien écrit, Quattrocento est une véritable enquête historique qui ravira les passionnés de la période. Et les autres aussi.

 

Sylvain Bonnet

Stephen Greenblatt, Quattrocento, traduit de l’anglais par Cécile Arnaud, Flammarion, novembre 2017, 384 pages, 12 euros

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