« Racket », l’OPA réussie de Manotti sur le roman noir

Un des meilleurs auteurs de romans noirs français

Universitaire à l’origine, Dominique Manotti a attiré l’attention par son écriture incisive et aussi très « politique », que cela soit avec Lorraine Connection, Nos fantastiques années fric (platement adapté au cinéma par Éric Valette) ou encore L’Honorable société co-écrit avec DOA. On l’a vu revenir au premier plan avec Or noir (Gallimard Série noire, 2015), une enquête du jeune commissaire Daquin, un de ses personnages fétiches qu’on a connu dans Sombre sentier et Kop !, dans le Marseille des années 70. Fidèle, Manotti a accepté de suivre Aurélien Masson, aux commandes d’une nouvelle collection dédiée au polar, « Equinox », aux éditions Les Arènes. Racket la voit aussi renouer avec un autre de ses personnages, la commandante Noria Ghozali mais Daquin n’est pas loin…

 

Une affaire d’états

 

François Lamblin, cadre dirigeant de la société française Orstam, est arrêté par le FBI aux Etats-Unis dans le cadre d’une enquête de corruption. A Paris, le jeune loup aux dents longues Nicolas Barrot est convoqué par Carvoux, le patron d’Orstam, pour verrouiller une affaire qui menace d’embraser l’entreprise. A la préfecture de Police de Paris, la commandante Noria Ghozali, récemment chassée de la DCRI, prend ses marques à ce qui reste des RG parisiens. Elle rencontre sa nouvelle équipe, Fabrice Reverdy et Christophe Lainé. Elle est là pour faire du renseignement économique et s’intéresse à l’affaire Lamblin qui menace Orstam : elle lance ses deux hommes dans cette affaire. Daquin l’avertit qu’il s’agit d’une sombre histoire où les Etats-Unis vont faire main basse sur un fleuron de l’industrie française, avec la bénédiction de l’Etat français. Et la CIA est à l’œuvre…

 

Espionnage industriel, critique sociale : du vrai roman noir

 

On confond souvent polar et roman noir, deux choses différentes qui occupent en partie le même continuum (Manchette a écrit dans ses notes noires des choses significatives à ce sujet). Racket appartient à la deuxième catégorie, livrant une critique sociale très dure de notre monde et de ses travers. Dans Racket, on croise des gens brisés, voire tués par une multinationale qui relève du système néolibéral qui régente notre monde. Manotti excelle aussi à nous peindre des grands flics finalement perdus dans ce monde du XXIe siècle. On croise aussi des conseillers de l’Elysée, énarques, qui évoquent notre actuel président et c’est compréhensible car Dominique Manotti s’est inspiré de l’affaire Alsthom pour écrire Racket.

Au final un excellent roman dont on espère que beaucoup en prendront de la graine.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Dominique Manotti, Racket, Les Arènes, collection « Equinox », mars 2018, 512 pages, 18 euros

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