Pour Régis Debray, nous sommes devenus américains

Civilisation, Comment nous sommes devenus américainsLe révolutionnaire qui ne voulait pas devenir un mandarin

Regis Debray est un monstre sacré de la scène intellectuelle française actuelle, au même titre qu’un Alain Finkielkraut ou qu’un Michel Onfray (pour ce dernier, la comparaison est opérante en termes de ventes et de retentissement médiatique ; pour le talent on repassera). Connu pour son engagement auprès de Che Guevara, puis compagnon de route de François Mitterrand (qui en fit un secrétaire général au conseil du pacifique Sud, pouffons), puis de Jean-Pierre Chevènement. De surcroit, Régis Debray a des tendances antiaméricaines et pourquoi pas d’ailleurs ?
On peut reprocher beaucoup aux États-Unis, tant par rapport à l’exercice de leur puissance que de la pertinence du modèle qu’ils prétendent vouloir imposer au monde. Enfin, relevons que cet homme de gauche est l’auteur d’un remarquable A demain de Gaulle (Gallimard, 1990). Sur un plan intellectuel, notons que Régis Debray s’intéresse au problème du religieux et de la croyance au sein du groupe social.

 

L’Amérique, roi de l’époque

Avec un certain sens de la formule, Debray expose sa thèse : nous sommes tous devenus des américains. Non, plutôt des sujets de l’Empire américain, un empire qui nous expose en continu à son soft power, ce qui n’empêche pas certaines parties du monde de subir son hard power, bien militaire celui-là.  Pourquoi une telle évolution ? La faute aux deux guerres mondiales, à la conscience que l’Europe a de sa mortalité (on renvoie, comme l’auteur, à Paul Valéry) : sa conclusion ? L’Europe, et plus particulièrement la France, est la Grèce de la nouvelle Rome, l’Amérique.

Et Debray avance bien des arguments pertinents. Culturellement, la langue de Molière est contaminée non pas par celle de Shakespeare mais plutôt par l’idiome des managers de McDonald’s. Debray jubile d’ailleurs à recenser l’invasion de termes anglais, marques du « globish » actuel, dans la langue française. Force est de reconnaître qu’il touche juste, très souvent.

 

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« Invading New Markets », caricature d’Andy Singer (« Invasion de nouveaux marchés »), 1998

Des excès

Excessif, Debray l’est souvent. Il estime qu’il faut donner tout aux américains comme individus (et comme artistes, il cite Miles Davis et Faulkner) et rien en tant que nation, pour paraphraser Clermont-Tonnerre parlant des droits à accorder aux juifs en 1789. Quelle animosité et quel vocabulaire ! Idem dans ses railleries quant à la religion protestante, véhicule de l’Amérique selon lui dans sa forme évangélique. Sur ce plan, le pur intellectuel ignore le poids du spirituel. On regrettera aussi ses déclarations hasardeuses sur l’Islam et l’islamisme en France : oui, il y a d’autres problèmes, reste que celui-ci cause bien des morts ! À lire, pour se jauger ensuite.

 

 

Sylvain Bonnet

 

 

Régis Debray, Civilisation, Comment nous sommes devenus américains, Gallimard, mai 2017, 240 pages, 19 euros

 

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