René Goscinny, des trésors enfin réédités !

Un hors-série du Monde est entièrement consacré à des trésors retrouvés du grand scénariste René Goscinny.

 

Oh, quelle belle idée de la rédaction du Monde et de l’institut Goscinny ! Publier un  magazine hors-série entièrement dédié au plus connu des scénaristes de BD francophone : l’immarcescible René Goscinny. Car le papa d’Astérix, de Lucky Luke, du Petit Nicolas, d’Iznogoud, fut aussi un immense créateur d’histoires et un accoucheur de talents. Soit 100 pages de trouvailles. Mais aussi des raretés et des inédits. Une véritable rétrospective. Que demande le peuple !

 

30 ans et 70 planches vous contemplent

Cet album à vil prix, réunit en effet le must des collaborations de ce polygraphe de la BD. Sous l’égide du journaliste Frédéric Poter, rien moins que plus de 18 duos, voir trios, tous plus féconds les uns que les autres. Étalés sur plus de trente années, c’est toute la palette de créativité de ce maître de l’histoire, de l’humour fin et du verbe gaulois. Comme les débuts américains peu connus, où René Goscinny dessinait lui-même ses cases. Et déjà, on sent un inventeur à l’esprit bien particulier. Une drôlerie plus proche de l’esprit et de la verve, mais avec une franche jovialité bonhomme. Bref, des textes, des gags et des bons mots. Soit un cocktail ressemblant furieusement au personnage. Un monsieur Sourire.

 

Un pilier de Pilote, ce laboratoire de la BD française

Les années 50  lui ont permis d’atteindre très rapidement son style et d’explorer sa palette. Surtout de faire les rencontres déterminantes en amitiés et en collaborations. Uderzo d’abord, mais aussi Attanasio (ils feront le génial mais par trop méconnu Spaghetti) Charlier ensuite. La création d’Astérix en 59 et de Pilote vont bien sûr faire exploser la routine du duo, et les perspectives du scénariste. Surtout, la multiplication des pépites créatives à succès comme Iznogoud en 62 avec Tabary, ou la création du génial Petit Nicolas avec Sempé, élèvent son rôle de scénariste à un niveau jamais atteint jusque là. Les dessins animés d’Astérix au cinéma, les albums et le magazine Pilote atteignent des scores incroyables et inédits. Il lancera aussi le chantier de l’indépendance éditorial et de la reconnaissance des auteurs face aux groupes de presse, aux éditeurs ou aux producteurs (annonce de la guerre future avec Dargaud ou du contemporain #payetonauteur ).

 

 

Cabu, Brétecher, Giraud, Gotlib, Faizant, Greg, Mézières

De la potachologie initiée en mode pré-duduche avec Cabu, en passant par le facteur Rhésus avec Brétecher, forcément timbré, jusqu’au Giraud politiquement incorrect sous le pseudo de Stanislas…c’est un feu d’artifices de pointures qui défilent sous nos yeux ébaudis. Et une succession de saillis ironiques qui semblent toujours faîtes pour le temps présent. Voyant Goscinny ? Non, génie du mot qui fait mouche, et au toucher humaniste indéniable.

Pour s’en rendre compte, ce petit panégyrique d’extraits en mode hommage :

[…] en ce qui concerne vos salaires, vous serez augmenter par le système habituel de grèves », Le facteur Rhésus, un héros postal, avec Claire Brétecher, 1963

Tous les français sont d’accord pour dire que le français est brouillon, désordonné, égoïste, chauvin, près de ses sous et qu’il ne pense qu’aux vacances », texte publié dans L’Os à moelle de Pierre Dac, 1964

Tout le monde sait que le téléphone peut être la meilleure et la pire des choses, comme la langue dont il est le prolongement », Ce qu’il ne faut pas faire par téléphone, avec Cabu, 1964

 

 

Deux grands moments à savourer

Dans ce menu de gourmet, il y a deux pépites à déguster.

L’entretien avec sa fille Anne Goscinny, touchant, nostalgique mais où la présence du père est palpable. À l’origine de la création de l’institut René Goscinny, sa fille est donc la dépositaire de l’héritage paternel. C’est donc nombre d’archives rares, professionnelles et de sources familiales qui ont récemment enrichi le fonds de l’Institut. Il est la vraie figure tutélaire de ce hors-série magique. Anne Goscinny perpétue ainsi ce travail de soutien qui habita son père si longtemps. En donnant sa chance à tellement de débutants.  Même à l’opposé de ses goûts (Druillet par exemple).  En offrant carte blanche et table (à dessins mais pas que) ouverte à deux générations de dessinateurs. En sachant dire non parfois, mais toujours avec gentillesse et bienveillance.

Les colères du grand-père Victor, ensuite. Collaboration géniale datée de 1962 du duo Sempé/Goscinny. Située à l’autre bout de l’échelle des âges par rapport à l’iconique petit Nicolas, la misanthropie bonhomme de l’acariâtre papy Victor rend encore plus cruelle la disparition trop rapide de ce grand Monsieur. Car on aurait aimé que cette série perdure bien sûr, ainsi que tant d’autres. Parti trop tôt donc à l’âge de 51 ans. Une crise cardiaque lors d’un test à l’effort, accident que, sans doute, avec son sens du gag, il aurait détourné en mode non-sensique, nous priva brusquement de cette verve si spirituelle. Elle reste inimitable et inimitée.

Il n’est pas usurpé de dire que René Goscinny fait toujours l’unanimité dans la communauté BD.

Révérence et chapeau bas !

 

Marc-Olivier Amblard

Le Monde hors-série n°18, Les Trésors retrouvés de René Goscinny, 8,50 eur

 

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