Robogenesis, la nouvelle guerre Homme Machine

Réédition attendue de Robogenesis chez Pocket SF, tome 2 de la série Apo’ de Daniel H. Wilson

Pocket SF 7255

Sorti cet automne dans la collection Pocket SF, Robogenesis, deuxième tome de la série de Daniel H. Wilson était attendu avec impatience en poche par les fans. Paru initialement aux Éditions OutreFleuve, avatar SF et Fantasy de Fleuve Éditions, héritière de la maison du Styx, le Fleuve Noir et de son historique collection Anticipations, ce deuxième volume parachève superbement le premier opus.

Car Robopocalypse, premier de la série, avait mis le curseur très haut. Rien moins que la guerre acharnée de la résistance humaine, menée par le héros Cormac Wallace (oui, un homonyme de Braveheart !) face à l’apparition de Big Rob. C’est que Archos R 14, fils génocidaire de HAL 9000, par la propagation d’un virus mondial, nous a refait le coup de Skynet et des terminators.

On sait notre goût chez Boojum pour la Science-Fiction d’aujourd’hui. Celle qui parle de nous et nous permet aussi d’extrapoler un présent anxiogène. Toujours cette ironie fondatrice du « meilleur des mondes » de Aldous Huxley. Ici, le soulèvement des machines a eu lieu et c’est…énOrme !

IAs vs Néo-humains

En reprenant là où il avait stoppé son premier tome, après une fin mémorable en mode Ragnarok (le clash final précédent se déroule en Alaska, dans la plaine de Ragnorak — sic !), nous retrouvons des protagonistes exsangues. Car malgré la victoire apparente, un doute plane dans l’esprit de certains. Big Rob a-t-il vraiment cessé d’être ? Bip Bip Bip Bip Sarah Connor ?

Si les vrais « hommes », la nation amérindienne de la Gray Horse Army essentiellement — gros des troupes qui a vaincu l’IA source, pensent en avoir terminé avec l’hydre cybernétique, quelques uns des membres dispersés s’aperçoivent bien vite d’un nouveau danger.

Au premier chef d’entre eux, un couple fascinant. Les japonais Takeo Nomura, génial roboticien, et Mikiko, androïde qu’il a créé et aimé. Animé même. Au sens étymologique de « anima », donner une âme. Lorsque sa conscience s’éveilla, c’est par son chant que les Freeborns, les robots libres – dont l’incroyable unité de pacification Zéro Neuf Zéro (encore déterminante ici), héritèrent de la conscience et de l’indépendance. Désormais livrée à eux-mêmes, la communauté humaine sauvée par ce duo improbable semble ignorée le pire. Car Takeo et Mikiko perçoivent la croissance de nouvelles consciences. Entre curiosité et angoisse, chacun des deux tentent alors de déterminer ce qui, dans ce nouveau monde, est apte à déclencher et à gagner la post-nouvelle guerre. La vraie guerre est lancée !

I, Robot, 2004, NS5 Sonny et ses doubles

Enfants et géants

Alors, en un inexorable crescendo mortifère, le monstre tapi devient un avatar encore plus impitoyable. Il pousse ses pièces sur l’échiquier, faisant fi des pertes, des massacres. Archos R 8, Arayt Shah tel est son nom dans les pensées de son journal qui rythme Robogenesis, incarnation primaire de Big Rob, reprend alors la main de l’extermination. Enfoui dans le flux envoyé in extremis dans le manteau géologique canadien, l’IA pervertit le dernier refuge des hommes en Russie et son bunker cyber réputé inviolable. Elle veut se déployer et… elle a faim !

Mais c’est sans compter sur les néos-cyborgs. Des enfants cobayes, triturés, torturés, pour devenir des messagers du dieu machine. Des survivants issus des expériences d’Archos 14. Il les pensait ratés, mais ces enfants ont évolué. Ce sont des « voyants », et ils deviennent le véritable enjeu de cette guerre. Pour sauver ce qui peut l’être encore.

Et parmi eux, Mathilda Martinez, déjà décisive par ses capacités dans la première phase de la guerre, aveugle et voyante à la fois. Elle relance la quête d’un espoir pour tous. En fédérant les enfants cybers. En ne lâchant rien et en communicant avec ses amis Zéro 0 Sept 7 Zéro 0 ou Cormac « bright boy » Wallace. Car face à des combattants dispersés, la perversité de Big Rob est insatiable. Invasion des consciences, transformation chimérique des corps, araignées robots géantes, programmées en armes et qui tiennent en laisse des esclaves humains (entre la Planète sauvage de Topor et La Guerre des mondes de Wells), une létalité mécanique infinie ad nauseam…

Esprits profonds et ultimes héros

Dès lors, les forces en présence explosent de toutes parts. La course contre la montre est engagée. Les ultimes ressources des camps en présence cherchent le coup fatal et les alliances miraculeuses. Exploits et sacrifices, se rejoignent alors en une mêlée impitoyable où la vie, les vies anciennes et nouvelles, tentent un soubresaut expiatoire ou une fuite désespérée.

L’humanité doit survivre, dit-il. La vie est précieuse dans sa diversité. Les hommes peuvent faire l’expérience de leur propre réalité. (Archos R 14)

Un autre héraut jouera sa partition. Lark Iron Cloud, le guerrier indien si décisif dans la première guerre, sera encore un héros de la nouvelle. Étranger à lui-même, transformé en mutant cybernétique, perdu pour les siens, c’est en arbitre de l’apothéose et premier défenseur de son ancienne famille humaine qu’il poursuit l’évolution en cours dans son âme, dans son ID neurale et cyber.

Mikiko, enfin, suivant le sacrifice qu’elle pressent nécessaire, fusionne avec l’esprit profond touché par son pygmalion aux rives de l’océan. Sa re-naissance cristallisera les forces FreeBorns, et donnera vie et sens, enfin, à la confrontation finale. De l’Apocalypse du tome 1 à la Genèse du tome 2, la boucle se referme, en mode Ourobouros.

Les derniers seront les premiers, où la fin déterminera si la folie n’est qu’une nouvelle itération de la mort, ou une chance pour la vie.

Une réussite entre prospective et apo’théose

le final de Terminator 3

Rarement un duo de romans de SF récents dits « grand public » (?) ne m’a à ce point attrapé. Plein d’idées, séquencé avec efficacité, aux personnages denses et complexes, ce Robogenesis ouvre aussi des réflexions pertinentes en ces temps de grand raout digital, proche du n’importe quoi parfois.

Transhumanisme, apprentissage profond et neurosciences appliquées aux IAs balbutiantes (dites « faibles », en tout cas jusqu’à présent), armes intelligentes et éthique de la recherche idoine, autant de débats en cours qui noient le béotien sous des sentiments antagonistes. Car entre parano aiguë face à une IA omnipotente, sa progéniture robotique intrusive, et positivisme crédule en mode science of wonder, le citoyen lecteur est gratifié ici, sous des dehors romanesques, à une exploration crédible et débridée de l’Intelligence Artificielle. Et dire que Steven Spielberg a acheté les droits… Enjoy !

Révérence et chapeau-bas, Mr Wilson !

Marc Olivier Amblard

Daniel H. Wilson, Robogenesis, Pocket, octobre 2018, 528 pages, 8,60 eur

À noter, la sortie conjointe du nouveau roman de Daniel H. Wilson chez Fleuve noir, Le Cœur perdu des automates (entre Steampunk et cyberpunk).

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