The Punisher : ça cogne et ça saigne chez Netflix !

Punisher NetflixCo-création de Gerry Conway, de l’injustement oublié et génial graphiste Ross Andru et John Romita Senior (un autre parmi les grands dessinateurs historiques de Spider-Man), le Punisher incarnait un « vigilante » aux méthodes expéditives — façon années 70 — qui n’était pas sans rappeler Harry Callahan, l’Inspecteur Harry incarné par Clint Eastwood, ou le Justicier Dans La Ville incarné par Charles Bronson.
Personnage atypique dans l’univers Marvel, Frank Castle aura connu une carrière en dent de scie et quelques errances cinématographiques qu’on s’empressera d’oublier par souci de s’épargner des souvenirs susceptibles de fracturer l’intellect et la rétine. On aura à cœur, cependant, de garder proche de soi les belles pages du Punisher War Journal Volume 2 de Fraction et Olivetti, série mature, brutale mais intelligente et sévèrement burnée.

 

 

Francis Château est en rogne

Rage, absence de pitié, violence, recherche d’une rédemption qui n’arrivera probablement jamais : voilà de quoi parle, en substance, la nouvelle série Netflix The Punisher.
Jouet d’une ire et d’une soif de violence jamais assouvie qui trouve son origine dans le meurtre brutal de son épouse et de ses enfants, Frank Castle va poursuivre sa sanglante quête de vengeance en l’endroit d’obscure agences gouvernementales en particulier et du gouvernement américain en général.
Et il n’y va pas de main-morte : kidnapping, torture, combats sanglants nous enseignant l’art d’utiliser à bon escient le marteau de démolition, le Punisher utilise toute la palette de ses « talents » pour se rendre justice.
Loin des tourments moraux et religieux d’un Daredevil ou du sens des responsabilités durement appris par un certain Peter Parker, Castle contient très difficilement sa soif de sang envers les malfaisants ; tout juste arrive t-il à montrer de la compassion pour Dinah Madani, agent du FBI, écho lumineux de ses ténèbres intérieures.

 

 

Malaise

En abordant un sujet plus que sensible — de l’usage des armes dans la société américaine — les producteurs ont pris un risque certain : celui de créer un récit qui, par maladresse ou idéologie, par exemple, pourrait se faire l’apologue d’une violence gratuite et exagérément graphique.
La série évite cet écueil en posant un regard objectif sur son héros. Si l’on insiste sur la souffrance, la culpabilité, le deuil permanents et le vide émotionnel conséquent, on n’oublie pas d’autre part de montrer qu’il est capable des pires extrémités dans des scènes d’une violence brève mais à l’intensité parfois à la limite du supportable.
En réalité, Frank Castle est un « mort qui marche » (je me comprends), dépouillé d’une part de son humanité par une inextinguible douleur et voué à semer mort et destruction sur son passage pour une seule raison : c’est l’unique chose qu’il sache et puisse faire.
Aussi, le spectateur, en plein malaise, est-il constamment partagé entre un très fort sentiment d’empathie  à son endroit et un rejet définitif de son ultra-violence expéditive. Les auteurs réussissent là à rendre bien plus subtil que prévu un récit a priori monolithique et complaisant.

 

Punisher Netflix

 

Imperfections

Si John Bernthal trouve enfin un rôle à sa mesure — écrit avec intelligence qui plus est (ça doit le changer) — on pourra se montrer quelque peu sévère avec une partie du casting.
En particulier, on regrettera la présence de Shoreh Aghdashloo, plus occupée à prendre des poses outrancièrement théâtrales devant la caméra et toute à un cabotinage qui agaçait déjà dans l’excellent The Expanse, plutôt que de camper un personnage crédible. C’est fâcheux et rend pénible les — rares — scènes dans lesquelles elle apparaît.
On reprochera également de nombreuses situations par trop cliché, traitées de manière caricaturale et peu cohérente comme, par exemple, la présentation de Dinah Madani en badass girl conduisant avec vigueur une voiture de sport dont l’aspect supposément rebelle s’effacera dès les scènes suivantes… les scénaristes ont dû faire un petit coma en cours de route, je ne vois pas d’autre explication.

 

Extrait de The Punisher Netflix

 

Mais foin de bougonnage, si The Punisher n’est pas la meilleure série Netflix/Marvel — on lui préfèrera Daredevil, Jessica Jones et Luke Cage — il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une histoire passionnante, qui donne à voir une représentation ambigüe et dérangeante de la violence inhérente au genre super-héroïque, dont le héros est superbement campé par un acteur en totalité immergé dans son rôle. Rien que pour cela, elle mérite un visionnage sérieux.

NB : The Punisher sera une des dernières séries Netflix (à suivre, la saison 2 de Jessica Jones) puisque Disney compte reprendre les rênes des personnages Marvel sur petit et grand écran.

 

Éric Delzard

 

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