« Un empêchement » ou l’affaire Fillon : la naissance de temps nouveaux

Le témoin d’une affaire d’état

Assurément l’affaire Fillon constitua le tournant de la campagne présidentielle de 2017. Sorti gagnant de la primaire de la droite en novembre 2016, François Fillon était le tenant d’une ligne conservatrice et néolibérale, prônant des réformes drastiques et une cure d’amaigrissement de l’état. Les soupçons d’emploi fictif pesant sur sa femme, suite aux révélations du Canard enchaîné, et le montant des sommes en jeu (nombre de smicards ont apprécié) ont torpillé sa campagne, aidant involontairement (?) à l’élection d’Emmanuel Macron. Michel Crépu, intellectuel connu, actuel rédacteur en chef de la NRF, fut mêlé à cette affaire puisqu’il fut le rédacteur en chef de la revue des mondes, qui rémunéra « grassement » Pénélope Fillon pour deux notes de lecture. Il livre ici un essai sur cette affaire qui n’a pas encore connu son terme judiciaire.

 

Qui était Fillon ?

En lisant cet essai, on se pose cette question. Personnage pâlot, jouant les falots, François Fillon fut le second de Philippe Séguin puis passa sans vergogne au service de Nicolas Sarkozy dont il rédigea le programme présidentiel avant de devenir premier ministre. Il fut longtemps un second couteau, un homme de l’ombre. Il n’a pas le charisme d’un Sarkozy, dont on sent bien qu’il fut le champion de Michel Crépu, encore moins le verbe de Séguin. Pourtant, il sut jouer sa carte et gagner la primaire. Sans le savoir, ce fut le début de la fin pour la droite. Car l’homme fut bientôt lesté de casseroles.

 

La fin d’une époque

Si la droite fut peut-être « empêchée » de gagner, reste que son candidat, au plus haut des sondages, ne remportait que 28% des votes. A la suite de d’autres auteurs, Michel Crépu démontre bien que 2017 marque un tournant, la fin de deux grands partis (LR et PS) et de grandes idéologies bien usées (socialisme, Gaullisme ou libéralisme). Qui a eu la peau de Fillon ? Macron ? Les juges ? En fait, c’est l’époque, le Zeitgeist, qui ne tolère plus des fautes bien vénielles il y a une vingtaine d’années. Un bémol cependant à cette belle démonstration : le libéralisme n’est pas mort du tout ou Crépu est aveugle. Il triomphe même en la personne d’Emmanuel Macron, sa politique économique le prouve de manière éclatante.

À lire pour se souvenir du temps passé.

 

Sylvain Bonnet

Michel Crépu, Un empêchement, Gallimard, avril 2018, 104 pages, 10 euros

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