« Une autre ville que la mienne » l’affaire OJ Simpsons selon Dominick Dunne

Dominick Dunne (1925-2009) est un homme de cinéma (réalisateur, producteur) et de télévision (producteur, présentateur), mais c’est surtout l’archétype du journaliste américain, héritier de Trumann Capote. Il transcrit en romans ses grands reportages, comme c’est le cas pour Une autre ville que la mienne, initialement paru en 1997, et consacré au procès du siècle : l’affaire OJ Simpsons.

Le procès du Siècle 

L’affaire OJ Simpson (la première…) commence par le meurtre sauvage de son ex-femme Nicole et de son amant, en 1994. Immédiatement, les enquêteurs fixent OJ dans leur viseur et vont s’acharner car les preuves semblent trop belles : traces de sang chez lui et sur un gant, témoignages, antécédents de violence, jalousie maladive… 

La personnalité du légendaire joueur de football américain, noir né pauvre et devenu riche et célèbre, pèse lourd dans le dossier. Egalement acteur (dans les comédies Y a-t-il un flic notamment), la fin de sa vie sera surtout judiciaire… 

Sa défense sera d’abord axée sur les faits, puis virera rapidement au show sur-médiatisé, mais pèsera aussi tout du long la menace (agitée savamment) d’une nouvelle série d’émeutes raciales comme celles qui suivirent l’agression de Rodney King par quatre policiers à Los Angeles en 1992. L’acquittement ne tient pas seulement que sur cette crainte de voir la ville à feu et à sang, mais le doute demeure, y compris dans l’esprit des plus acharnés défenseur d’OJ, dont l’avocat et ami de la famille Robert Kardashian, qui s’estimera floué par son ami… 

 

La célébrité est à la base de toute cette histoire […] Je parle de la vraie, celle des stars. Elle captive tout le monde. »

 

Le point de vue d’un mondain

Dunne est un mondain, toujours invité dans le grand monde, et le récipiendaire naturel de toutes les confidences. Tout le monde vient le voir pour lui révéler un petit secret ou lui proposer de rencontrer la personne qui va le lui révéler. Et immédiatement, quand Dunne apprend ce crime, il a une certitude : c’est OJ qui a fait le coup. L’affaire est tellement énorme, par la personnalité de l’accusé, qu’il accepte de revenir à Los Angeles où il avait juré ne jamais remettre les pieds. Et il va suivre le procès au jour le jour, pour le prestigieux Vanity Fair en donnant chaque jour son sentiment sur l’avancée du procès mais aussi sur les coulisses de ce fabuleux spectacle où, finalement, la vérité compte si peu.

Avec une infinie malice, beaucoup de fiel et un oeil à nul autre pareil pour saisir les subtilités et traduire les non-dits, Dunne invente son double romanesque Gus Bailey et propose presque plus une étude de moeurs sur les petits secrets des peoples et son propre panégyrique qu’un suivi réel du procès. D’ailleurs, la plupart des chapitres s’ouvrent sur un extrait de l’article de Dominick/Gus publié dans Vanity Fair, comme pour évacuer le factuel, et la suite sont les commentaires et les à-côtés. Décalé, mais parfaitement délicieux !

 

Merveilleusement écrit, Une autre ville que la mienne se différencie de la longue série des études et témoignages sur ce procès hors norme (le juge Lance Ito est le seul protagoniste direct à n’avoir pas écrit de livre !), et montre à quel point le roman-reportage à l’américaine, quand il est maîtrisé à ce point, est passionnant !

 

Loïc Di Stefano

Dominick Dunne, Une autre ville que la mienne, traduit de l’anglais (USA) par Alexis Vincent, postface de François Rivière, Séguier, avril 2018, 480 pages, 22 euros

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