« Bravo pour l’aventure », superbe cocktail de cascades aériennes et de film noir
Dans « Bravo pour l’aventure », Alex Toth imagine les aventures trépidantes de Jesse Bravo, un pilote d’avion cascadeur dans le Hollywood des années 30. Une véritable leçon de dessin signée par un maître.
Jesse Bravo est aventurier, pilote d’avion et cascadeur à Hollywood. Son entreprise d’affrètement d’avion est dans le rouge. Alors quand il embauché comme pilote et coordinateur sur le tournage du film « Ailes de l’enfer », Bravo n’hésite pas un instant et saisit cette opportunité de remettre son entreprise à flot. Il ignore encore qu’un des acteurs du film a eu la mauvaise idée d’escroquer Nico Kardos, célèbre caïd de la pègre…
Jesse Bravo : entre Ernest Hemingway, Clark Gable et Errol Flynn
Se plonger dans Bravo pour l’aventure, c’est remonter dans le temps, dans un Âge d’or hollywoodien, parfaitement restitué ici par Alex Toth. Il n’y aucune nostalgie dans les aventures de son héros : de toute évidence, Alex Toth jubile à restituer une atmosphère, tout une époque. Jesse Bravo a la personnalité d’Ernest Hemingway, le romantisme de Clark Gable et le physique de Errol Flynn. Les gangsters y ont l’élégance de porter complet-veston et chapeau. Les belles demoiselles sont certes en détresse, mais ne se laissent pas pour autant marcher sur les pieds. Ajoutez à cela le monde fascinant de l’aviation et les cascades effrénées aux commandes de biplans : vous obtenez un cocktail tout à la fois classique et énergique. Passionnant.
« Simplify, simplify, simplify »
Le célèbre mantra d’Alex Toth était « simplify, simplify, simplify ». Car chez l’artiste, tout est question de simplification, d’épure. Avec Alex Toth, chaque case, chaque planche, chaque clair-obscur est un petit chef d’œuvre à lui tout seul. D’une case à l’autre, Alex Toth régule le niveau de détails de ses cases pour souligner ses intentions et renforcer sa narration. Et puis il y a sa manière de représenter le mouvement. Chez Toth, les avions sont des créatures imposantes mais élégantes, toujours en mouvement, découpant le ciel par des faisceaux de fumée pour mieux souligner leur déplacement. Toth ne cherche jamais à représenter mais à symboliser. C’est une des raisons pour lesquelles le dessin Toth fonctionne encore mieux en noir et blanc. Bravo pour l’aventure est une véritable leçon de dessin.
Réédition splendide de l’œuvre maudite d’Alex Toth
Grand format, beau papier, éditions couleurs ou noir et blanc (au choix). Il faut saluer la réédition de Bravo pour l’aventure par l’éditeur Paquet. En France, le chef d’œuvre d’Alex Toth n’avait jusqu’ici connu qu’une publication en album aux éditions Futuropolis en 1981 (à la sauvette), puis une autre publication (partielle) dans le magazine L’Écho des Savanes en 1983. La réédition aux États-Unis de Bravo for Adventure chez IDW, dans une version restaurée, a permis de remettre sur le devant de la scène cette œuvre « maudite » d’Alex Toth, un des grands maîtres de la bande dessinée américaine.
Stéphane Le Troëdec
Alex Toth (scénario et dessin), Bravo pour l’aventure, Éditions Paquet, Collection Cockpit, traduit de l’anglais par Anne-Sophie Bigot, avril 2018, 80 pages, 19,00 euros