« Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu », dehors les grands anciens !
Du rock à la science-fiction
Né en 1964, ancien parolier de Ludwig von 88, Karim Berrouka est l’auteur de Fées, weed et guillotines (ActuSF, 2014), ainsi que du Club des punks contre l’apocalypse zombie (ActuSF, 2015) qui a remporté le prix Julia Verlanger en 2016. Adepte d’un humour détonnant et d’un ton volontiers décalé dans ses romans, il aime aussi expérimenter dans le style de l’OuLIPO. Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu, on va le voir, ne déroge pas au genre inauguré par ses précédents romans.
Une jeune fille de son temps qui s’en fout des grands anciens
Ingrid Planck vivote à Paris, fait des petits boulots et traîne avec sa copine Lisa, peintre un peu allumée. Elle est abordée par un inconnu dans le métro qui lui annonce qu’elle est suivie par la police et l’armée, puis qu’elle est le centre du pentacle. Cela rappelle à Ingrid son dernier petit ami, Tungdal, qu’elle a viré de sa vie après qu’il ait commencé à réciter des incantations pour la protéger. Ingrid finit par être emmenée par la police un beau matin et on lui pose plein de questions sur Tungdal, visiblement impliqué dans le vol d’un sous-marin nucléaire. Relâchée, Ingrid est recontactée par le type du métro. Elle y apprend que Tungdal a fait tirer un missile nucléaire dans les abysses, qu’elle est au centre d’une lutte entre cinq factions adoratrices des grands anciens. Enfin, l’inconnu lui donne un livre, Le Mythe de Cthulhu d’H.P. Lovecraft, pour qu’elle comprenne mieux de quoi il en retourne…
Second degré, humour et bons mots
Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu constitue un plaisir de lecture pour l’amateur. Au-delà de la révérence à Lovecraft et à sa cosmogonie déjantée, Berrouka pratique le second degré avec une habileté formidable. Ingrid Planck prend le contrepied complet des personnages de l’ermite de Providence, qui tremblent de la tête aux pieds en devinant l’ombre d’un shoggoth. Inconsciente, n’ayant pas froid aux yeux, Ingrid Planck va jusqu’au bout des rituels dans lesquels elle ne croie pas et rabaissera le caquet de Cthulhu lui-même ! Signalons aussi des dialogues souvent désopilants.
Un bon roman au final que l’artisan Berrouka a fignolé en orfèvre : on en espère d’autres.
Sylvain Bonnet
Karim Berrouka, Celle qui n’avait pas peur de Cthulhu, ActuSF, « Les trois souhaits », mars 2018, 344 pages, 18 euros