Un bon indien est un indien mort, On paie toujours ses crimes
Nouvel auteur
D’origine indienne, Stephen Graham Jones s’est fait connaître du public francophone comme avec Galeux (La Volte, 2020) et a déjà publié une vingtaine de romans aux États-Unis. Il a remporté deux fois le prix Bram Stoker de la meilleure nouvelle longue en 2017 et 2020. Un bon indien est un indien mort est paru chez Rivages et est un roman très singulier.
Une vengeance animale
Debout dans le salon vouté de la nouvelle maison qu’il partage avec Peta, Lewis examine le spot fixé au-dessus de la cheminée, il le met au défi de s’allumer maintenant qu’il le regarde.
Indien Blackfeet, Lewis vit depuis des années avec une blanche, Peta. Ils n’ont pas d’enfants et ma foi s’en passent très bien. Le voilà en train de chercher à réparer un spot. Mais voilà qu’il commence à avoir une hallucination :
Entre les pales floues du ventilateur semblables aux aiguilles d’une horloge, une jeune femelle caribou est couchée sur le flanc. Lewis devine qu’elle est jeune rien qu’à sa taille et une sorte de maigreur générale, un air dégingandé. Si en descendant de l’échelle, il pouvait continuer à la voir, il sait qu’en fouillant dans sa gueule avec un couteau, il ne trouverait pas d’ivoire. Preuve qu’elle est jeune.
Lewis manque de se casser la figure et c’est Peta qui le sauve. Reste qu’il est inquiet à cause de cette vision. Dix ans plus tôt, il a massacré avec ses amis Gabe, Cass et Ricky un troupeau de caribou, dont une femelle sur le point de naissance à un petit. Lewis flippe, appelle ses anciens amis, se met à soupçonner tout le monde car il croit vraiment que l’esprit de la femelle caribou est de retour. Les faits montreront qu’il avait raison, pas un des participants à ce massacre n’échappe à la vengeance de cet animal…
Un roman de l’étrange
Voici un thriller qui vire vers le fantastique… Un bon indien est un indien mort traite aussi du sort des indiens en Amérique, minorité encore plus discriminée que les noirs, ainsi que de leurs croyances ancestrales dans un pays matérialiste. Et puis il y a cette vengeance d’une mère, même animale, qui culminera lors… d’une partie de base-ball. Il faut lire le roman, qui bascule petit à petit du quotidien vers le fantastique, voire l’horreur.
Un bon indien est un indien mort est une franche réussite.
Sylvain Bonnet
Stephen Graham Jones, Un bon indien est un indien mort, traduit de l’anglais par Jean Esch, Rivages, septembre 2022, 352 pages, 23 euros