Le serpent de Claire North, une partie troublante

Une autrice peu connue en France

Sous le pseudonyme de Claire North se cache depuis 2014 Catherine Webb, auteur britannique assez douée. On lui doit Les Quinze Premières Vies d’Harry August (Delpierre, 2014), lauréat du prix John W. Campbell Memorial en 2015. Le serpent est le premier volume d’un cycle intitulé La maison des jeux dans lequel se déroulent des parties assez étranges. Et c’est Le Bélial qui a choisi de traduire cette histoire.

Une bien étrange maison

Voici l’histoire d’une jeune fille :

Nous l’appellerons Thene.

Elle naquit à la fin du XVIe siècle, d’un marchand d’étoffe ayant fait fortune en achetant aux égyptiens pour revendre aux hollandais, et d’une Juive qui se maria par amour – mais son père lui fit manger du porc dès l’enfance et jurer de ne jamais révéler ce terrible secret aux grands hommes de la ville.

Que serai-je une fois vieille ? Lui demanda-t-elle un jour. Puis-je être à la fois la fille de ma mère et la tienne ?

Ce à quoi il répondit : « Non, ni l’une ni l’autre. J’ignore qui tu seras, mais tu seras entièrement toi-même et cela suffira. 

Elle est mariée à Jacomo de Orcelo, issu d’une bonne famille. Mais ce Jacomo ne l’a épousé que pour sa dot, qu’il dilapide au jeu. Le jeu justement. A Venise, il y a un établissement connu sous le nom de maison des jeux. Dans la loge basse, des jeux traditionnels où Jacomo perd des fortunes. Dans la haute loge c’est autre chose. On joue des parties d’échecs où les pièces sont de véritables individus qu’on manipule. Les enjeux sont le pouvoir, des talents, des années de vie supplémentaires. Thene est repérée et commence à jour, loin des turpitudes de son mari. Elle, la fille de la Juive, y joue peut-être sa vie.

Un étrange récit

Le Serpent est une histoire qui rappelle un peu L’échiquier du mal de Dan Simmons, où des télépathes se livraient des parties d’échecs en se servant d’humains comme pièces. Ici, le fantastique n’est que suggéré, apparaissant par petites touches. On comprend que ces parties durent depuis longtemps, que les joueurs vivent plusieurs centaines d’années. Thene, femme pleine de souffrances silencieuses, finit par séduire le lecteur.

Le Serpent est au final une histoire enthousiasmante et on attend les deux suites avec curiosité.

Sylvain Bonnet

Claire North, Le Serpent, traduit de l’anglais par Michel Pagel, illustration de couverture d’Aurélien Police, Le Bélial « Une heure lumière », mars 2022, 160 pages, 10,90 eur

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