La femme du deuxième étage de Jurica Pavicic
Bruna, jeune Croate nouvellement mariée, a eu la mauvaise idée de tuer sa belle-mère. Une cuillère de mort-aux-rats dans la soupe chaque jour, et hop, terminé ! Malheureusement pour elle, sa belle sœur a un doute sur cette mort « naturelle » et une enquête est ouverte. Bruna avoue son forfait, et elle est condamnée. Elle est donc en prison quand s’ouvre ce livre, appelé La Femme du deuxième étage, l’autre nom de la belle-mère assassinée.
Le meurtre d’une belle-mère
Jurica Pavicic a déjà fait parler de lui avec un polar abondamment récompensé, L’Eau rouge, et le présent roman confirme son talent. Bien qu’il flirte avec la littérature policière, il ne comporte aucune énigme, aucun suspense, et c’est sans doute là une part de son originalité. Car c’est de sa prison où elle est devenue cuisinière (!), que Bruna nous raconte pourquoi, et comment, elle en est venue à supprimer cette belle-mère du second étage, qui vivait donc dans le même bâtiment qu’elle et son mari. Mais sa présence devient au fil des mois encombrante, et la belle fille ourdit en secret cet assassinat qui aurait dû demeurer impuni. Ainsi nous apprenons quelles circonstances ont armé le bras criminel, ont dissimulé la mort-aux-rats, l’ont hélas fait découvrir dans une poubelle, et mille autres détails qui nourrissent la tragédie…
Puis un jour, Bruna sort de prison, une fois purgée sa peine. Son mari s’est forcément éloigné d’elle, elle est donc seule pour affronter une nouvelle vie, qu’elle trouve sous la forme d’une place de serveuse dans un restaurant. C’est la deuxième et dernière partie de ce livre attachant, dans lequel, à aucun moment, l’héroïne ne nous apparait antipathique. Et c’est pourquoi cette histoire si sombre se termine sur un sourire.
Est-ce le soleil de la côte dalmate qui éclaire ce roman d’un charme si singulier ? Est-ce le génie secret de l’auteur qui pousse la psychologie féminine dans de mystérieux retranchements ? En tout cas, on n’oubliera pas la signature de Jurica Pavicic, qui fait honneur à la Croatie des Lettres.
Didier Ters
Jurica Pavicic, La Femme du deuxième étage, traduction d’Olivier Lannuzel, éditions Agullo, septembre 2022, 220 pages, 21,50 euros