La panthère des neiges de Sylvain Tesson

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Sylvain Tesson aime voyager. A lire les nombreux livres qu’il a écrits, l’immensité du monde n’a pas de secret pour lui. Si son père, l’excellent critique dramatique Philippe Tesson, pouvait se satisfaire de rester dans un fauteuil, et regarder les autres jouer la comédie ;  le fils, lui, a la bougeotte, et il est le seul acteur de sa propre vie. Passionné de cet Ailleurs toujours grisant, il revient de Moscou à moto, sillonne les steppes de l’Asie centrale à pied, et quitte l’Afghanistan en vélo pour aller chevaucher en Sibérie. 

Avec La Panthère des neiges, le voilà au Tibet à la poursuite du léopard blanc, animal superbe mais rare. Tellement rare, qu’au bout de vingt chapitres, on ne l’a pas encore aperçu ! « Je voulais voir la panthère. J’étais venu pour elle », finit-il par avouer. Il faut dire qu’on ne va pas au Tibet comme çà, comme on s’arrête chez copain parce qu’on a vu de la lumière. Tintin en sait quelque chose, qui pleura d’émotion en y retrouvant Tchang. 

Tesson ne pleure pas, quand enfin la panthère se montre, mais en garde un souvenir que peu de mots suffisent à nous faire partager.

Ce fut une apparition religieuse. Aujourd’hui, le souvenir de cette vision revêt en moi un caractère sacré ».

Apparition vision, sacré… la déesse des montagnes est bien là, belle comme le jour. Et cette sacralisation dicte à l’auteur une superbe description du fauve dans son environnement. 

Tesson revit plusieurs fois la jolie dame de ses pensées, farouche, inaccessible, mais pourtant là, malgré un vrai froid de Sibérie, entre 4.000 et 5.000 mètres d’altitude, au milieu des loups, des aigles et des yacks… Le dépaysement est assurément garanti. Et le choc toujours renouvelé. A force de bivouaquer par -10 degrés aux sources du Mékong, sans jamais se lasser de scruter — avec ses trois amis — les plus hauts sommets de la planète, Sylvain Tesson élève le voyage au niveau d’une quête un peu mystique. 

De retour sur des plaines plus humanisées, il termine son récit en beauté : 

Se tenir à l’affut est une ligne de conduite. Ainsi la vie ne passe-t-elle pas l’air de rien. Dans ce monde, il survient plus de choses qu’on ne le croit ». 

Didier Ters

Sylvain Tesson, La Panthère des neiges, Gallimard, octobre 2019, 160 pages, 18 eur

Prix Renaudot 2019

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