Véheffe

« Mon pavé 2018, c’est d’avoir une politique de francophonie », dixit il y a quelques jours Jean-Christophe Rufin, grand écrivain de son état et académicien français. Vaste et louable programme. Encore convient-il de lancer ce pavé dans la bonne direction.

 

Oui, vouloir défendre la langue française, c’est hypercool. Seulement, pour être efficace, cette défense doit, comme l’avait suggéré du Bellay, s’accompagner d’une illustration, et ceux-là mêmes au panache blanc linguistique desquels on devrait se rallier sont souvent bien peu illustrants. À commencer par le propre éditeur des romans de Rufin.

 

Extrait du film Le Collier rouge
Extrait du film Le Collier rouge

 

Oserons-nous dire ici que Gallimard, maison fondée en 1911 par le vénérable Gaston, manque à tous ses devoirs quand, sous prétexte d’offrir en Folio une traduction nouvelle du Gardien de Pinter, elle laisse Philippe Djian ‒ ze traducteur ‒ écrire en toute impunité « Je vais vous dire quoi », calque servile de l’anglais « I’ll tell you what », mais parfaitement inacceptable en français (était-il si difficile d’écrire « Je vais vous dire une chose » ou « Je vais vous dire un truc » ?) ? À l’inverse, on aurait pu offrir un petit brin de toilette à la traduction d’origine de La prochaine fois, le feu de James Baldwin (réédition, là encore, en Folio). Le traducteur de l’époque ignore visiblement la différence entre « rien de moins que » (= rien d’autre que) et « rien moins que » (= tout sauf) en français et ne craint pas de reprendre « les populations », mot jusqu’à nouvel ordre féminin, par un « ils » pour le moins incongru. Transgenre, quand tu nous tiens…

 

Traduttore, traditore, c’est une affaire entendue. Mais le traducteur et, avec lui, l’éditeur sont priés de ne pas aller jusqu’à trahir leur propre langue.

 

 

FAL

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