Ceaușescu, le dictateur ambigu par Traian Sandu

De Nicolae Ceaușescu, une partie de public n’a gardé que comme image le procès et l’exécution en décembre 1989, oubliant qu’il fut un peu plus qu’un tyran sanguinaire. L’historien français d’origine roumaine Traian Sandu, professeur à l’université Paris 3-Sorbonne, auteur d’Un fascisme roumain, histoire de la Garde de fer (Perrin, 2014), livre ici une biographie qui fera date.

Un communiste comme les autres ?

Difficile a priori de restituer l’itinéraire de Ceaușescu. Enfant issu d’un milieu pauvre, peut-être attiré par le fascisme des années trente, il s’engage petit à petit dans le communisme. Il est parmi les fidèles du dirigeant roumain des années quarante et cinquante, le bon stalinien Gheorghiu-Dej et commence son ascension discrètement. Il bénéficie des purges dirigées contre les anciens brigadistes et kominterniens. Ceaușescu réussit à s’imposer grâce à des manœuvres d’appareil au sein du parti communiste roumain et va imposer un positionnement original.

Entre Staline et de Gaulle ?

Ceaușescu restera certainement marqué par le stalinisme de sa jeunesse. Il est aussi un roumain, à la tête d’un pays périphérique du bloc de l’est. Il va donc se permettre des pas de côté, une autonomie par rapport à Moscou. Il tente une libéralisation culturelle, y compris envers des écrivains proches du régime fasciste renversé en 1944, et ouvre le pays économiquement à l’Ouest. Proche de la Chine, Ceaușescu impose une diplomatie ouverte, cherchant un rôle de médiateur qui parfois réussit. Le voyage du général de Gaulle en mai 1968 est pour lui un apogée, surtout que le français lui fournit un modèle à suivre… Dans les années 1970, le dictateur roumain est courtisé par l’est et l’ouest, autorisant juifs roumains et allemands des Carpates à émigrer (contre monnaie sonnante et trébuchante). Mais l’économie patine et les occidentaux sont conscients des limites de Ceaușescu, de ses méthodes autoritaires, par exemple pour l’avortement. Mais ils laissent encore faire, l’homme semble utile. Ce dernier ne se rend d’ailleurs pas compte de l’effet de la conférence d’Helsinki qui va miner le bloc de l’est…

La chute

Ceaușescu n’a jamais cessé d’être un dictateur, s’appuyant sur la Securitate. Confronté à une dette extérieure importante, il force la population à des privations afin de la rembourser. Il renforce progressivement la répression contre les opposants, surtout après la révolte des mineurs de 1977. Les années 1980 voient le dictateur roumain chercher à reprendre la main en renouant avec Moscou alors que l’histoire s’accélère. Sa fin est connue… Mais on sait moins que son « règne » est aujourd’hui regretté par une partie des roumains, sans doute à cause d’une transition économique très difficile. En tout cas, voici une biographie qui fera référence.

Sylvain Bonnet

Traian Sandu, Ceaușescu le dictateur ambigu, Perrin, septembre 2023, 608 pages, 26 euros

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