1929-1935, la crise par Jean-Yves Le Naour
Spécialiste de la première guerre mondiale auquel il a consacré de nombreux ouvrages, Jean-Yves Le Naour a consacré à chaque année de la grande guerre un livre. La série aurait dû prendre fin avec l’année 1918… sauf qu’il a continué en évoquant l’après-guerre avec 1919-1921 (Perrin, 2020), puis les années folles avec 1922-1929 (Perrin, 2022). Ici, il consacre un volume à la Crise de 1929 et ses conséquences jusqu’en 1935.
La faillite d’un système
Ce sont des années tragiques qui préparent le pire. Le krach de Wall Street provoque l’effondrement de l’économie américaine, puis celle du monde entier. Et cela dure, avec des effets corrosifs sur des sociétés pas encore remises de la guerre. L’effet est dévastateur en Allemagne… qui en profite pour mettre fin aux réparations, pourtant garanties par le plan Young. Une Allemagne qui, sous la direction du chancelier Brüning, se saisit de chaque occasion pour remettre en cause le système issu du traité de Versailles, préfigurant sans le savoir la politique d’Hitler. En face, la France est seule et depuis longtemps (Gérard Araud vient de le raconter dans son récent ouvrage) tandis que la Grande-Bretagne sous la houlette de Ramsey MacDonald tente de la faire désarmer… Quant aux États-Unis, ils fustigent la France et sa décision de ne pas honorer ses dettes de guerre (qu’elles devaient financer avec les Réparations) et se concentrent sur leurs problèmes intérieurs. Bref, la situation empire dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir et la politique de réarmement qu’il officialise : la remilitarisation de la Rhénanie n’est pas loin. Ce coup qui sera porté au système de sécurité collective vient après l’agression japonaise en Mandchourie… Hitler en tout cas berne avec adresse tous les journalistes qu’il reçoit tout en préparant la guerre.
Des dirigeants français consternants
Et que fait la France ? Elle se croit protégée de la crise jusqu’en 1931 (à tort), construit la ligne Maginot (une erreur stratégique vu le système d’alliance mis en place dans les années 1920) et subit crise politique sur crise politique, sans parvenir à se réformer. Herriot, Paul-Boncour et d’autres sont lucides face à la menace allemande et à l’égoïsme britannique mais manquent d’envergure et de caractère. Seul Louis Barthou semble avoir l’intelligence et le caractère pour comprendre que la France a besoin d’une alliance de revers avec l’URSS, quitte à se boucher le nez (la géopolitique a ses lois). Mais il est assassiné en même temps que le roi de Yougoslavie en 1934. Lui succède Laval, finassier, maquignon, cherchant à négocier (déjà !) avec l’Allemagne nazie sans trop le dire, ratant le rapprochement avec un Mussolini antiallemand qui va se fourvoyer en Ethiopie (il faudrait consacrer un livre à ce sujet) … Cet ouvrage est le récit d’une faillite française et européenne.
Sylvain Bonnet
Jean-Yves Le Naour, 1929-1935 la crise, Perrin, mai 2024, 400 pages, 25 euros
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