« Comme on serait bien à la campagne ! » : Panique dans la France périphérique

Dans un canton paisible de la Haute Bigourle (sic !), les villages de Ruffignac, Arros ou Bouilh-Bezinc, constituent autant de lieux inconnus, loin des tracas de la grande ville. D’où ce titre engageant, Comme on serait bien à la campagne ! Les champignons, la bonne cuisine, l’armagnac, les copains, la chasse, rythment une vie sereine où l’on goûte ce que l’on a, même si l’on n’a pas grand chose. 

Les inspecteurs de Bruxelles

Seulement voilà. Cet eden gascon est un jour troublé par l’arrivée intempestive de trois inspecteurs envoyés par Bruxelles, pour s’assurer de la bonne utilisation des subventions européennes. Et là, c’est la panique. De la préfecture au comité des fêtes, et des éleveurs de volaille aux maitresses du maire, c’est la débandade, le cyclone, l’affolement généralisé. Et c’est là que cela devient drôle, très drôle. 

Car les trois « fonctionnaires vérificateurs » sont en réalité des inquisiteurs redoutables, et la terre tremble à leur approche. On ne racontera pas la fin de l’histoire, ni les péripéties qui y conduisent. On se bornera à louer la gaité de ton, et l’art accompli de conteur de Jean-François Lhérété. Normalien puis énarque, diplomate puis banquier, à la fois historien, juriste, romancier et sociologue, l’homme cache dans une rondeur pleine d’esprit une acuité d’analyse qui vaut le meilleur reportage sur la France profonde. 

Satire de l’administration centrale

Avec Eléonore ou les menus plaisirs, son livre précédent, Jean-François Lhérété nous avait déjà régalés de recettes savoureuses, et d’histoires pittoresques, qui sentent bon la province et l’amour de la vie. Dans Comme on serait bien à la campagne !, l’auteur se livre à une satire désopilante d’une administration qu’il connait bien, et dont il se fait le terrible censeur. Les sous-préfets et les sous-technocrates ne sont pas épargnés, non plus que les grévistes de tout poil, les fonctionnaires accommodants et toutes les petites combines de cette « campagne », où l’on serait si bien, si les sbires de la Commission européenne ne s’y intéressaient de trop près. 

Dissimulé derrière ses épais verres fumés, le regard de l’inspecteur chef scrutait sa victime. Celle-ci se débattait comme une truite dans l’épuisette du pêcheur…

Ainsi écrit Jean-François Lhérété, ce qui donne le ton d’une histoire terrible et réjouissante. Ce portrait joyeux de la France périphérique est un roman de moeurs qui divertit autant qu’il décape. Sur ce dernier point, il constitue presque une entreprise d’utilité publique.

Didier Ters 

Jean-François Lhérété, « Comme on serait bien à la campagne ! », éditions Confluences, avril 2020, 250 pages, 18 eur

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