Les Enfiévrés, l’angoissant virus mortel qui rode
Nous naviguons depuis plusieurs mois avec un virus mais nous n’en sommes pas tout à fait au stade du roman Les Enfiévrés. Notre virus n’est pas aussi dévastateur. Cependant nous pouvons penser que Ling Ma, chinoise d’origine est peut-être la source du Covid 19 et du bouleversement planétaire. Les Enfiévrés (Severance en anglais, rupture, le titre original) annonçait un avant et un après, en ce sens voilà un roman publié en 2018 qui est bien prémonitoire…
La fièvre de Shen étant une maladie de la mémoire, les enfiévrés sont piégés indéfiniment dans leurs souvenirs.
Inspirez, ça va secouer
La fièvre Shen est une épidémie provenant de Chine qui s’est répandue sur la Terre entière.
Ce virus s’est développé sur la quasi-totalité de la population mondiale. Il transforme les hommes, femmes et enfants en zombies qui, dans certains cas, meurent d’épuisement.
Ces zombies errent la plupart du temps dans leurs foyers et répètent inlassablement les mêmes gestes. Ces enfiévrés sont inoffensifs.
Parmi les quelques humains immunisés, Candace Chen vit son rêve américain. D’origine chinoise, elle travaille dans une maison d’édition où elle se charge des rééditions de la Bible.
Ce n’est pas le poste rêvé, mais c’est un premier pas vers ce qu’elle croit, un grand avenir.
Le virus se répand, Candace dont les parents sont décédés, se retrouve peu à peu seule dans une ville qui se vide, qui se meurt. Sa direction lui confie et la paye grassement la veille de tous les bureaux de la société. Elle saisit cette opportunité qui lui donne de nouveaux objectifs et perspectives, mais au bout de plusieurs semaines elle se rend à l’évidence : elle doit quitter New York.
Chaque maraude est différente. Il y a des maraudes de vie et des maraudes de mort
Elle part et croise la route d’autres survivants qu’elle va suivre. Pour subsister ils maraudent dans les maisons en quête de provisions et croisent forcément des enfiévrés…
Bob l’un du groupe, chef auto proclamé, va finalement faire vivre un enfer à Candace, elle qui se rend compte qu’elle est partie enceinte.
Adeptes de prophéties apocalyptiques bienvenus
Nous démarrons l’histoire avec l’équipée de neuf survivants qui fuient, veulent s’éloigner et s’abriter pour survivre. L’auteur nous entraine avec eux vers la noirceur humaine et individualiste. Excepté ce petit groupe qui envers et contre tout veut subsister.
Nous vivons l’histoire au rythme des flash-back de Candace. Sa vie d’avant, sa venue aux USA avec ses parents, ses illusions, ses rêves, ses conquêtes, ses amis, sa vie newyorkaise trépidante… Et ce, jusqu’à la maladie. Dès lors, la descente, la frénésie de la population qui quitte sa ville, elle qui en alimentant son blog reflète cette nouvelle déchéance.
Nous avons peu de mal à imaginer les intentions de Ling Ma de révéler nos travers quotidiens, notre soif de pouvoir, d’ambition. Comment les jeunes trouvent leur place au sein du monde qui les entoure, comment trouvent-ils leur équilibre, leur projet de vie.
Ling Ma nous offre avec Les Enfiévrés un brillant premier ouvrage en nous immergeant dans un monde que nous pouvons redouter. Espérons !
Xavier de La Verrie
Ling Ma, Les Enfiévrés, traduit de l’anglais par Juliette Bourdin, Le Mercure de France, septembre 2020, 344 pages, 23 eur